Ce soir Arte diffuse "La Loi de Téhéran", un polar immanquable signé Saeed Roustayi qui avait largement convaincu le public et la presse à sa sortie. Le réalisateur avait cependant subi la pression de la censure durant la production.
La Loi de Téhéran : bien plus qu'un grand polar
Sur le papier, La Loi de Téhéran (2021) pouvait apparaître comme un polar classique et sans surprise. Le film suit Samad, un policier qui tente de mettre la main sur Naser Khakzad, un parrain de la drogue. Rien de nouveau ici donc. Sauf que le long-métrage se déroule en Iran, pays où la sanction pour possession de drogue est la peine de mort. Ce qui n'a pas empêché la vente de drogue d'exploser, au contraire. Car pour les narcotrafiquants, quitte à risquer la mort pour quelques grammes de crack, autant le faire pour plusieurs dizaines de kilos.
Dès lors, La Loi de Téhéran ne se limite pas à une simple poursuite d'un criminel par un policier, mais propose un portrait de l'Iran complexe et tragique, sans être ni moralisateur ni binaire. Le tout, en respectant les codes du genre du polar (et en y ajoutant une touche de légèreté dans les dialogues) pour offrir un spectacle haletant. Une vraie réussite de la part du réalisateur Saeed Roustayi qui, avec son deuxième long-métrage, a montré ses qualités de metteur en scène avec un souci du détail impressionnant.
En effet, pour mieux comprendre la situation des toxicomanes en Iran, Saeed Roustayi a effectué de nombreuses recherches, suivant notamment durant plusieurs jours la brigade des stupéfiants, avant de se rendre en prison et au tribunal. C'est dans ces lieux que se déroule majoritairement La Loi de Téhéran, révélant ainsi un système terrifiant où les prisonniers s'entassent dans des conditions déplorables. Concernant son immersion dans cet univers, le cinéaste précisait dans le dossier de presse du film : "Cette recherche a duré presque un an, car je voulais être au plus près de la réalité des faits que je décrivais dans mon film".
Un film précis et captivant
Étant donné cette représentation que fait Saeed Roustayi de l'Iran et de l'impact de la drogue dans le pays, le réalisateur a dû faire face à la censure. Après sept mois de négociations, le cinéaste a pu se limiter à des changements minimes sur son scénario, en dépit de pressions mises par la brigade des stupéfiants notamment.
Notre position a été de dire que nous ne réalisions pas un film de commande à la gloire de la police, mais que nous nous intéressions à des êtres humains, toxicomanes, trafiquants ou policiers.
Malgré ces difficultés durant la production, le réalisateur est parvenu à aller au bout de La Loi de Téhéran, et pas pour rien. Le film a été un énorme succès en Iran. Là encore, la capacité de Saeed Roustayi à proposer d'une part un film captivant, pur polar parfaitement maitrisé, et d'autre part une œuvre sociale quasi-documentaire, peut expliquer cet intérêt du public. Le tout porté par un casting de choix, les remarquables Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh.
Saeed Roustayi a conquis l'étranger avant d'être emprisonné en Iran
Du côté de la presse, le long-métrage avait été très bien accueilli en France (avec une moyenne de 4,1 sur Allociné basée sur 21 titres de presse). Dans sa critique, Positif résumait parfaitement et en une phrase ce qu'est La Loi de Téhéran : "Film policier, film d’action, film social et métaphysique, La Loi de Téhéran est simplement un grand film". L'œuvre n'avait donc pas volé sa standing ovation lors de sa présentation au Festival du film de Venise en 2019, et aurait peut-être mérité un peu mieux que sa nomination au César du Meilleur film étranger en 2022 (remporté par The Father).
Enfin, rappelons qu'après La Loi de Téhéran, Saeed Roustayi a fait encore plus fort avec Leila et ses frères, superbe drame familial qui tend vers le thriller, Un film interdit en Iran, qui a valu au cinéaste d'être condamné à six mois de prison.