"La Mort dans la peau", deuxième opus de la franchise Jason Bourne, se termine sur un cliffhanger génial et offre une transition parfaite avec "La Vengeance dans la peau". Mais cette fin n'était pas celle initialement produite, et a été tournée et montée au dernier moment pour remplacer la première fin, jugée très décevante.
Jason Bourne, la trilogie parfaite ?
La trilogie originelle Jason Bourne a quelque chose d'unique. En effet, personne ne parvient à se mettre d'accord sur quel film l'emporte sur les autres. Serait-ce La Mémoire de la peau, premier opus qui a révolutionné le genre de l'action-espionnage en 2002 ? Ou plutôt, est-ce sa suite, La Mort dans la peau, avec la formidable direction de Paul Greengrass ? Ou alors La Vengeance de la peau, opus-miroir des deux premiers au spectacle parfait ? Difficile à dire. Et dans tous les cas, ne pas pouvoir les départager témoigne de la très, très grande qualité de ces trois films.
Il s'en est fallu de peu pour que La Mort dans la peau, deuxième opus qui se déroule en Inde, très brièvement en Italie puis en Allemagne, ne sorte au cinéma avec une autre fin que celle qu'on connaît. Cette dernière est parfaite : après s'être débarrassé de Kirill (Karl Urban) à Moscou, malgré sa blessure à l'épaule, Jason Bourne (Matt Damon) va à la rencontre de la fille de Vladimir Neski, Irina (Oksana Akinshina). Après lui avoir révélé la vérité sur la mort de ses parents, il s'éloigne de son immeuble. On le retrouve plus tard, plus en forme, à New York et au téléphone avec Pamela Landy (Joan Allen). Celle-ci lui révèle sa véritable identité, et Jason Bourne met fin à la conversation avec cette réplique culte : "Reposez-vous, Pam. Vous avez l'air fatiguée."
Une fin déjà idéale en elle-même, mais qui surtout permet de raconter La Vengeance dans la peau au coeur de l'ellipse entre le moment où il quitte Irina à Moscou, et appelle Pamela Landy à New York.
Une première fin que personne n'aimait
Cette fin de La Mort dans la peau est rappelée dès le tout début de La Vengeance dans la peau. En effet, celui-ci se déroule directement après le départ de Jason Bourne de l'immeuble d'Irina. Et si cette fin est parfaite et conditionne idéalement le déroulé de La Vengeance dans la peau, ce n'était pas du tout la fin d'abord filmée et présente dans le montage final de La Mort dans la peau, deux semaines avant sa sortie en 2004. Cette première fin, jamais mentionnée par les acteurs ou l'équipe de production, a été trouvée cachée dans une version DVD (à voir ci-dessous).
Dans cette première fin, Jason Bourne perd connaissance en sortant de l'immeuble d'Irina. On le retrouve détenu et alité dans un hôpital de Berlin, où Pamela Landy lui rend visite. Elle lui révèle son nom, et lui "propose" de revenir. Le laissant ensuite quelques secondes sans surveillance, il en profite pour s'échapper. Disons-le, une fin décevante, et qui l'était déjà pour l'équipe du film à l'époque. Qu'est-ce qui a donc fait que, deux semaines avant la sortie de La Mort dans la peau, une journée de reshoot s'organise pour tourner la fin qu'on connaît ? L'intervention précieuse et in extremis de Matt Damon et du scénariste George Nolfi.
Le déjeuner qui a tout changé
En 2004, la sortie de La Mort dans la peau est prévue aux États-Unis le 23 juillet. Peu avant cette date, Matt Damon se trouve en Europe où il tourne Ocean's Twelve. Là, il passe pas mal de temps avec George Nolfi, le scénariste du film de Steven Soderbergh, présent tout le long du tournage. Celui-ci racontait ainsi dans une interview donnée à Comingsoon en 2011 :
Pendant que j'étais sur le tournage de "Ocean's Twelve", j'ai écrit la dernière scène de la séquence finale de "La Mort dans la peau". C'était vraiment quelques jours avant la sortie, et ils n'étaient pas vraiment satisfaits de la fin. Alors j'ai proposé à Matt Damon de déjeuner et de se poser pendant 45 minutes pour l'améliorer, et finalement la réécrire. Ensuite, il a été rapatrié d'Europe aux États-Unis pour filmer cette nouvelle fin sur une seule journée, et tout le monde était content.
Comme le précise Screenrant, le reshoot de la scène de fin de La Mort dans la peau a coûté au total 200 000 dollars. Une somme importante mais finalement bien utilisée, au vu de son apport narratif décisif. Convaincus par cet apport de George Nolfi, les producteurs de la franchise Bourne le rappelleront pour réécrire le scénario de La Vengeance de la peau, après une première version de Tony Gilroy jugée très insuffisante. D'où, en partie, la parfaite symbiose entre ces deux films, et le sommet cinématographique que représente ce troisième opus.