Pour "La Mule", Clint Eastwood collabore à nouveau avec le scénariste Nick Schenk, auteur de "Gran Torino". Ce dernier développe un autre personnage d’ancien vétéran en quête de rédemption. Si de nombreuses péripéties sont fictives, l’horticulteur Earl Stone est inspiré de Leo Sharp, qui a convoyé des centaines de kilos de drogue pendant des années pour un cartel.
La Mule : Clint Eastwood, l’ami des narcotrafiquants
Six ans après Une nouvelle chance, Clint Eastwood repasse devant la caméra en 2019 pour La Mule, pour lequel il signe également la mise en scène. Comme dans Gran Torino, le comédien incarne ici un vétéran de la guerre de Corée développé par le scénariste Nick Schenk. Horticulteur renommé, Earl Stone est nettement plus affable que Walt Kowalski. Mais à l’instar du vieux briscard déterminé à éloigner le jeune Thao d’un gang, le vieillard a complètement raté sa vie de famille.
Séparé depuis de nombreuses années de sa compagne Mary (Dianne Wiest), brouillé avec sa fille Iris (Alison Eastwood), Earl demeure malgré tout proche de sa petite-fille Ginny (Taissa Farmiga). Alors qu’Earl assiste à la répétition du mariage de Ginny, un membre d'un cartel lui fait une offre. Considérant que l'octogénaire pourrait lui être utile en raison de ses faibles chances de se faire arrêter, il lui propose de transporter de la cocaïne dans son pick-up jusqu’en Illinois contre un joli salaire.
Endetté jusqu’au cou, Earl accepte de devenir une mule. Il fait la joie des narcotrafiquants en charriant des quantités astronomiques de drogue. Les choses se compliquent lorsqu’il se retrouve dans le viseur de l’agent de la DEA Colin Bates (Bradley Cooper). Laurence Fishburne, Michael Peña, Andy Garcia et Clifton Collins Jr. complètent la distribution de La Mule, comédie dramatique avec laquelle Clint Eastwood s’offre une nouvelle rédemption poignante.
Leo Sharp, le véritable Earl Stone
La Mule voit le jour grâce à un article de Sam Dolnick publié dans le New York Times en 2014, intitulé The Sinaloa Cartel’s 90-Year-Old Drug Mule. Dans ce récit, le journaliste raconte l’histoire de Leo Sharp. Vétéran de la Seconde Guerre mondiale décoré de la Bronze Star Medal, cet ancien soldat était surnommé "El Tata" ("le papy") par des narcotrafiquants. À propos de la découverte de cette personnalité hors norme et de son envie de l’incarner, Clint Eastwood raconte, cité par Allociné :
J’ai lu l’article du New York Times qui parle du vrai type dont est inspiré le personnage d’Earl. Je me suis dit que ce serait amusant de jouer quelqu’un de cet âge-là… C’est-à-dire de mon âge en fait. J’aime à penser que je suis toujours en train d’observer, d’apprendre, et Earl est comme ça, lui aussi. Plus on avance en âge, plus on se rend compte qu’on ne sait rien. Du coup, on continue à avancer.
Leo Sharp a été l’une des plus grosses mules du cartel de Sinaloa, transportant des centaines de kilos de cocaïne du Mexique au Michigan. Comme Earl Stone, il est horticulteur. Un métier qui surprend d’ailleurs l'acteur et réalisateur :
Sa passion pour les hémérocalles (plantes vivaces) m’a étonné, mais j’ai fait le lien avec le travail de mon grand-père qui élevait des poulets. Dans une certaine mesure, j’ai calqué le personnage d’Earl sur lui et sur son physique, notamment sa démarche d’homme âgé.
Malgré des mois d’enquête sur Leo Sharp, Sam Dolnick n’a jamais saisi ses véritables motivations. Il explique à ce sujet, toujours dans le New York Times :
Même avec toutes mes recherches, je ne saurais pas dire ce qui a motivé M. Sharp. Je pense que personne le pourrait, pas même Leo Sharp lui-même.
Une condamnation pour son 90e anniversaire
En 2010, Leo Sharp aurait acheminé entre 200 et 250 kilos de drogue par mois. Des chiffres inédits à l’époque pour l’équipe de la DEA basée à Chicago. Cette année-là, il aurait empoché un million de dollars.
Après une dizaine d’années à faire la mule, Leo Sharp est arrêté sur une autoroute du Michigan en octobre 2011 par les hommes de l’agent de la DEA Jeff Moore. Plus de 100 kilos sont alors dissimulés dans son pick-up.
Lors de son procès, il plaide coupable. Il propose de rembourser 500 000 dollars de dommages et intérêts en faisant pousser des papayers pour l’État. Le 7 mai 2014, jour de son 90e anniversaire, la justice américaine le condamne à trois ans de prison. Selon NBC, il aurait déclaré à un juge :
Tout ce que je peux vous dire, votre honneur, c’est que j’ai vraiment le cœur brisé d’avoir fait ce que j’ai fait. Mais c’est fait.
En raison de son état de santé déclinant, Leo Sharp retrouve la liberté après un an passé derrière les barreaux. Il décède le 12 décembre 2016 à l’âge de 92 ans, et repose dans un cimetière de Honolulu, à Hawaï.