Depuis la nuit des morts vivants de George A. Romero sorti en 1968, les zombies n’ont eu de cesse d'hanter les salles obscures. Cinquante ans plus tard, et malgré un nombre incalculable de tentatives d’éradication, les morts-vivants n’ont toujours pas trouvé le chemin du cimetière. Pour notre plus grand plaisir. Présenté aujourd’hui en hors compétition au Festival International du Film Fantastique de Gerardmer, et attendu sur nos écrans le 7 mars prochain, la nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher s’inscrit dans la droite ligne de l’héritage de Romero, et nous offre à la fois un pur survival horrifique et une bouleversante réflexion sur l’existence.
Adapté du roman éponyme de Pit Agarmen (pseudonyme de Martin Page) paru en 2012, la nuit a dévoré le monde plante son décor dans la capitale française. On y découvre un jeune homme, Sam, qui au lendemain d’une fête, se réveille seul dans un appartement avant de se rendre compte bien vite que Paris est envahie de zombies et qu’il semble être l’unique survivant. Il va alors devoir s’organiser et lutter pour sa vie. Mais est-il vraiment le seul survivant ?
Pour son premier long-métrage, le réalisateur français Dominique Rocher a choisi de s’attaquer au genre fantastique, et plus précisément aux zombies. S’il concède que les spectateurs ont un imaginaire très fort concernant les morts-vivants, le réalisateur a pris le parti d’oser des choses, afin de trouver sa propre représentation du zombie. «On s’est dit qu’on allait essayer plein de choses » nous a confié Dominique Rocher. « on s’est réuni un jour dans un jardin et on a tenté plusieurs attitudes afin de déterminer ce qui fonctionnait, et ce qui ne fonctionnait pas. Au final j’ai décidé de travailler en étroite collaboration avec un chorégraphe, qui a réussi à trouver la gestuelle des zombies. Je n’avais pas envie qu’ils grognent, ou fassent du bruit en respirant, car je les considère comme des êtres morts, et donc sans air. J’avais envie qu’ils soient le plus réaliste possible et qu’ils conservent leur humanité dans la façon dont ils se déplacent. »
Si chez George A. Romero, les zombies sont une métaphore du racisme aux États-Unis, ici ils représentent ceux que le personnage principal redoutent le plus : les autres. Enfermé dans une bulle au coeur d’une immense ville, Sam, misanthrope invétéré, illustre le profond mal-être que peuvent ressentir les habitants de Paris ou plus largement des grandes villes, lorsque la proximité avec l’autre se fait étouffante. « Les gens s’isolent de plus en plus et en même temps s’en veulent de le faire, et se sentent coupables de rejeter l’autre » nous confie ainsi Dominique Rocher.
Loin d’être seulement une réflexion existentielle, le film doit sa réussite à cet équilibre toujours respecté entre le pur survival horrifique qui ne lésine pas sur l’hémoglobine et le cheminement psychologique du personnage qui emmène à se demander si l’être humain est capable de survivre seul au monde indéfiniment.
Tourné avec un budget de 2,5 millions, en seulement 40 jours, la nuit a dévoré le monde est une preuve supplémentaire, s’il en fallait, que nous sommes capables, en France, de produire des très bons films de genre. Après le succès de Grave l’année dernière et l’arrivée de Revenge, dans la brume et ghostland dans les prochaines semaines, le cinéma fantastique français retrouve un dynamisme qui nous manquait et que nous sommes fiers de soutenir.
Chloé Valmary (3 février 2018)