Ce soir Arte diffuse "La Vérité" (1960). Le tournage fut très difficile pour Brigitte Bardot. Le réalisateur Henry-George Clouzot se montrant extrêmement dur avec elle et l'actrice tenta de se suicider un mois avant la sortie du film.
Brigitte Bardot mémorable dans La Vérité
La Vérité (1960) est à n'en pas douter l'un des plus grands films de Brigitte Bardot (avec Le Mépris de Godard). C'est du moins, d'après elle, son meilleur rôle. Celui de Dominique Marceau, inspiré de Pauline Dubuisson, jugée en 1953 pour le meurtre de son ex-fiancé. De ce fait divers, le réalisateur Henry-George Clouzot a apporté des changements dans le caractère de Dominique pour qu'elle corresponde davantage à la personnalité de Brigitte Bardot.
Ainsi, on découvre une femme séduisante et insouciante, follement amoureuse de Gilbert Tellier (Sami Frey), un jeune chef d'orchestre, pourtant promis à la sœur de Dominique. Ils entament une relation passionnelle, mais se déchirent, notamment en raison du caractère possessif de Gilbert. Et lorsque ce dernier décide de quitter Dominique pour se fiancer avec sa sœur, la jeune femme se venge en le trompant. Sombrant dans la dépression, elle se rend tout de même chez Gilbert avec une arme et menace de se suicider. Mais dans leur confrontation, Dominique tire sur le garçon et le tue.
Ce récit est raconté durant le procès de Dominique, marqué par les excellentes performances de Charles Vanel et Paul Meurisse, respectivement avocat de la partie civile et de la cour d'assises. Brigitte Bardot excelle tout autant dans La Vérité. Surtout dans une des scènes les plus mémorables du procès. Un monologue bouleversant (à 2min44 de la vidéo ci-dessous) qui a valu à l'actrice les applaudissements de tout le plateau de tournage.
Henry-George Clouzot tyrannique sur le tournage
Le tournage de La Vérité fut éprouvant pour Brigitte Bardot. Il faut dire qu'Henry-George Clouzot était un réalisateur dur et exigeant, prêt à pousser à bout ses comédiens pour obtenir ce qu'il souhaite. Avant Bardot, Bernard Blier avait reçu une gifle du metteur en scène en plein tournage de Quai des Orfèvres (1947). Suzy Delair avait alors déclaré "On a tous été battus. Mais pour le meilleur !", comme le rappelle Samuel Blumenfeld dans un riche article du journal Le Monde consacré au tournage du film.
Brigitte Bardot n'a donc pas été épargnée par Clouzot. Et ce, dès les premiers jours. Le réalisateur allant jusqu'à attraper l'actrice et la secouer avant de lui écraser le pied avec son talon. Le cinéaste n'avait pas aimé un sourire lâché avant une prise et hurla à Bardot : "Je n’ai pas besoin d’amateurs dans mes films. Je veux une actrice". "Et moi, j’ai besoin d’un metteur en scène. Pas d’un malade" répondit cette dernière en lui envoyant une gifle. Une réaction qui, d'ailleurs, ne déplut pas à Clouzot.
Outre cet acte de violence, Henry-George Clouzot cherchait à mettre sa comédienne dans une situation d'insécurité. Pour cela, il faisait sortir les techniciens et chuchotait à l'oreille de Bardot des mots difficiles à entendre, évoquant par exemple la dépression de Jacques Charrier, son mari. Une manière pour lui de "restituer, à l’écran, la vulnérabilité de la meurtrière Dominique Marceau".
Une fois l'actrice en larmes, les techniciens étaient rappelés et le réalisateur captait alors son émotion. Ce qui vaudra, un jour, cette phrase de Bardot : "Tu sais, tu as été les chercher loin, celles-là". Comme un symbole de sa dévotion pour ce cinéaste qu'elle "désirait". C'est ce qu'elle déclarait à l'époque du tournage lors d'une interview (via l'INA ci-dessous), ajoutant : "Monsieur Clouzot n'est pas du tout le tyran qu'on croit qu'il est. Au contraire. Moi je m'entends très bien avec lui, du point de vue du tournage c'est formidable".
Brigitte Bardot a frôlé la mort
Mais le tournage de La Vérité n'est pas passé loin du drame lorsque Brigitte Bardot a dû tourner la scène du suicide de Dominique Marceau. Pour être la plus convaincante possible, Henry-George Clouzot lui conseille de prendre un verre d'eau avec de l'aspirine. L'actrice s'exécute, et à l'image la séquence est remarquable tandis que Bardot s'endort.
Seulement Bardot ne se réveille pas. Car à la place de l'aspirine, Clouzot lui a en réalité donné des somnifères et du whisky. Il faudra attendre 72 heures avant que l'actrice ne se réveille, ce qui provoqua logiquement la colère de son père, Louis Bardot, qui menaça alors le cinéaste d’un procès.
Avec le recul, cette séquence du suicide de Dominique Marceau a de quoi perturber. D'abord car, bien avant le tournage de La Vérité, l'actrice avait déjà fait une première tentative de suicide. C'était à 16 ans, après sa rencontre avec Roger Vadim (de six ans son aîné). Ses parents refusant leur relation, Bardot tenta de mettre fin à ses jours en plaçant sa tête dans le four de leur appartement. Le retour de ses parents à temps permis de la sauver. Et ils acceptèrent ensuite qu'elle épouse Vadim mais pas avant ses 18 ans.
Ce ne fut pas l'unique tentative, puisqu'après le tournage de La Vérité Brigitte Bardot manqua à nouveau de se donner la mort le 28 septembre 1960. Elle avala cette fois des somnifères et s'ouvrit les veines (comme son personnage de Dominique Marceau dans le film). On la retrouva heureusement à temps. Sa condition ne lui permit cependant pas d'assister, un mois plus tard, à la première du film le 2 novembre 1960.