En 1977, contre l'avis de son époux Yves Montand, Simone Signoret se transforme et s'enlaidit pour incarner Madame Rosa dans "La Vie devant soi". Une performance majeure, qui lui vaut le César de la Meilleure actrice en 1978 et emmène le film jusqu'aux Oscars, où il obtient la statuette du Meilleur film en langue étrangère.
Un rôle inoubliable de Simone Signoret
Le soir du 4 février 1978, l'actrice française Simone Signoret s'avance sur la scène de la salle Pleyel pour recevoir le César de la Meilleure actrice pour son rôle de Madame Rosa dans La Vie devant soi de Moshé Mizrahi. Une ultime distinction - avec le David di Donatello pour le même film - qu'on pourrait estimer tardive, puisque Simone Signoret est déjà une actrice largement consacrée, notamment récompensée d'un BAFTA, du Prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes 1959 et de l'Oscar de la Meilleure actrice en 1960 pour Les Chemins de la haute ville.
Dans ce film, succès critique et commercial en France comme à l'étranger, l'actrice et épouse d'Yves Montand incarne Madame Rosa. Celle-ci est une ancienne prostituée juive et rescapée de l'Holocauste, qui élève à Belleville les enfants d'autres prostituées. Elle est particulièrement attachée à Momo, un jeune garçon d'origine algérienne, qui va l'aider alors qu'elle est gagnée par la maladie.
Une transformation impressionnante
Pour La Vie devant soi, l'actrice alors âgée de 56 ans au moment du tournage, s'est transformée physiquement. Une transformation qui ne plaisait pas à Yves Montand, impliquant qu'elle se vieillisse et qu'elle grossisse, et un rôle sans aucun "glamour" qu'il lui conseille ainsi de refuser . Pendant un an, Simone Signoret oppose ainsi son refus à Moshé Mizrahi, scénariste et réalisateur du film. Mais elle finit par accepter. Elle expliquait en juin 1978 au magazine People pourquoi elle s'en serait voulue de ne pas le faire :
Un rôle comme ça n'arrive que tous les 20 ans. C'est un cadeau. (Madame Rosa) est tout : menteuse, sincère, gourmande, pauvre, stupide, intelligente, chaleureuse et méchante. Et puis elle meurt. Si j'avais dit "non" et qu'une autre femme l'avait jouée, j'en aurais été malade.
Pour incarner cette femme, magnifiquement écrite par Émile Ajar (pseudonyme de Romain Gary) dans le roman dont le film est l'adaptation, Simone Signoret prend donc du poids et se vieillit de 10 ans. Ses rides sont accentuées par le maquillage, ses joues sont épaissies avec du coton et ses jambes sont aussi rembourrées avec des bandages. L'apparence du personnage est essentielle pour raconter à l'écran cette grande histoire d'humanité, ce pourquoi l'actrice accepte d'être filmée sous des angles peu flatteurs pour souligner sa laideur.
Une nouvelle consécration
La Vie devant soi, ode à l'humanité et à la solidarité, met au premier plan la fraternité entre la population juive et arabe, avec en arrière-plan le souvenir vivace de l'Holocauste. Sorti au cinéma alors que l'état de guerre entre Israël et les pays arabes fait l'objet d'intenses négociations pour aboutir à un traité de paix - qui sera signé en 1979 -, sa résonnance est forte et le film reçoit en avril 1978 l'Oscar du Meilleur film en langue étrangère. Quant à sa récompense individuelle, Simone Signoret déclarait à Michel Drucker :
Quand on a affaire à un gâteau aussi extraordinaire que ce qu'était Madame Rosa dans "La Vie devant soi", je trouve que c'est peut-être un petit peu injuste de mettre ça en compétition avec d'autres rôles. Des rôles comme ça, on en trouve un ou eux dans une carrière. On les trouve aussi à l'âge que j'ai. Alors il y a peut-être une petite disproportion entre ce cadeau qu'on m'a fait, et les rôles que les autres filles ont eu à faire. (...) Ce sont toutes des filles jeunes, en tout cas beaucoup plus jeunes que moi, qui avaient à défendre des choses importantes aussi, mais pas de cette importance-là. Il y a à mon avis une petite inégalité. Cela dit, je ne veux pas avoir l'air de la fausse modestie, ou d'être démagogique, c'est très embarrassant ma position...