Présenté en compétition officielle au 77e Festival de Cannes, nous avons découvert "L'Amour Ouf" de Gilles Lellouche avec François Civil et Adèle Exarchopoulos. Un film qui commence comme un feu d'artifice, mais qui peine à maintenir sa flamme.
L'Amour Ouf : la troisième réalisation de Gilles Lellouche
Le projet a mis de nombreuses années à se concrétiser. Et l'histoire est belle : un jour, Benoît Poelvoorde (qui joue d'ailleurs dans le film) a offert à Gilles Lellouche le roman Jakie loves Johnser OK? de l'auteur irlandais Neville Thompson, et c'est une révélation : il a envie d'en faire un film. C'est finalement en 2024 que celui-ci est présenté en compétition au Festival de Cannes. Il s'agit de sa troisième réalisation après Narco et Le Grand Bain.
L'histoire se déroule sur plusieurs années dans le Nord de la France. C'est là que vit Clotaire, une petite frappe, élevé dans une famille nombreuse, qui ne semble pas avoir d'autre intérêt que de faire ce qu'il veut, et taper sur tout ce qui bouge. Jusqu'au jour où il rencontre Jacqueline (qu'il appelle "Jackie"), une jeune fille qui vient d'arriver dans le lycée du coin. Très vite, c'est le coup de foudre, le vrai "amour ouf" entre eux. Jusqu'à ce qu'un braquage tourne mal et que Clotaire soit condamné à passer dix ans en prison.
Une belle promesse de cinéma
La première heure de L'Amour Ouf est un pur régal. Gilles Lellouche lâche les chevaux, sa caméra virevolte dans tous les sens, il convoque le cinéma de Scorsese, de De Palma, pour filmer les gangs, une fusillade absolument magistrale, et surtout le coup de foudre entre Clotaire et Jackie. On pourrait lui reprocher de vouloir trop en faire, mais c'est si généreux, et ça respire tellement d'admiration pour le cinéma qu'il aime, qu'il serait difficile de bouder notre plaisir. Le réalisateur réussit à capturer une jeunesse tumultueuse avec une énergie qui fait presque penser à une version moderne de West Side Story (y compris avec des incursions musicales dansées). L'approche est fraîche et la mise en scène, remplie d'une hargne cinématographique qu'on ne peut qu'admirer.
Cependant, au fur et à mesure que le film avance, il peine à maintenir cet élan initial. La transition vers leur vie adulte, bien que portée par les talents solides de François Civil et Adèle Exarchopoulos, semble perdre de sa dynamique initiale. Le scénario, tentant de tisser ensemble trop de fils – des histoires de gangsters à des drames familiaux tragiques – dilue l'intensité émotionnelle établie au début. On finit par regretter les jeunes Mallory Wanecque et Malik Frilah (une vraie révélation), qui incarnent Jackie et Clotaire ados. Cette période de jeunesse, à la fois violente et mélancolique, semble être celle où Gilles Lellouche s'exprime le mieux.
L'expérience devient progressivement plus laborieuse, avec une mise en scène qui, bien que techniquement impressionnante, devient par moments trop insistante, perdant ainsi le fil intime avec ses personnages. Le film, en cherchant à en faire trop, finit par éclipser ses propres forces, laissant le spectateur avec le sentiment d'une œuvre qui, tout en étant généreuse dans sa portée, manque par moments de la subtilité nécessaire pour véritablement toucher. La bande-son, riche en tubes new wave, est initialement exaltante, mais finit par paraître artificielle, comme si elle tentait de compenser un manque d'émotion venant des personnages eux-mêmes.
L'Amour Ouf commence comme un feu d'artifice prometteur, mais ne parvient pas tout à fait à maintenir cette flamme jusqu'à la fin. Il est cependant impossible d'y rester insensible.
Le film est attendu en octobre prochain dans les salles.