"Lancelot, le premier chevalier" (1995) voit Sean Connery et Richard Gere incarner le roi Arthur et Lancelot. Deux acteurs mythiques qui, pour ce film, n'ont pas eu droit à leurs doubleurs français habituels, remplacés par les Belges Léon Dony et Robert Guilmard.
Richard Gere en Lancelot et Sean Connery en roi Arthur
Réalisé par Jerry Zucker, Lancelot, le premier chevalier (1995) met en scène une partie des exploits de Lancelot dans la légende arthurienne. Dans le film, le royaume de Camelot et menacé par le terrible Méléagant. Lorsque ce dernier enlève Guenièvre, future épouse du roi Arthur, Lancelot se lance à son secours par amour.
Entre action et romance impossible, le long-métrage est de ces films marqués par les années 1990. Loin d'être un chef-d'œuvre et même parfois assez ringard en dépit de toutes ses bonnes intentions, Lancelot aura tout de même eu un bon succès en salles, bien aidé par ses têtes d'affiche.
Si on tend l'oreille en regardant Lancelot en version française, on remarque que la voix de certains interprètes n'est pas celle qu'on pourrait attendre. C'est avant tout notable pour Sean Connery et Richard Gere, si on compare cette VF avec celles de Rock (1996) ou Pretty Woman (1990). En effet, le premier a été doublé jusqu'en 1999 par Jean-Claude Michel, et le second par Richard Darbois à partir de 1986. Pourtant, dans Lancelot, ce sont les voix de Léon Dony et de Robert Guilmard, deux acteurs et doubleurs belges, qui se font entendre.
La grève du doublage en France
La raison est qu'un mouvement de grève a eu lieu en France entre le 18 octobre 1994 et le 2 janvier 1995. Pendant cette période, près de 600 acteurs/doubleurs français ont totalement cessé leur activité pour protester contre leur statut. Ces derniers souhaitaient être considérés en tant qu'« artiste-interprète » et que les différents diffuseurs leur verse ainsi des droits d'auteur à chaque rediffusion.
En se mettant en grève, l'industrie s'est retrouvée paralysée. Car à l'époque les chaînes de télévision ne proposaient pas aux spectateurs à la fois de la VF et de la VOST. Dès lors, sans voix française pour doubler par exemple Peter Falk, la série Colombo aurait arrêté d'être diffusée sur TF1. Dans le cas du cinéma, même si la VOST était proposée, la VF avait une vraie importance. C'est ce qui a notamment rendu cultes les voix de Patrick Poivey (Bruce Willis), Alain Dorval (Sylvester Stallone) ou encore Céline Monsarrat (Julia Roberts).
Pour en apprendre plus sur l'histoire du doublage et sur les causes et conséquences de cette grève, on vous conseille le Mémoire de Master Recherche de Julien Bervas disponible en ligne via le CNRS.
Une co-production qui profite d'un système moins cher
Concernant Lancelot, la question du doublage a été vite réglée malgré cette grève, en allant donc en Belgique. C'est justement l'emploi d'acteur belges ou québécois, avant même la grève, qui avait déjà mené à des tensions dans le secteur français. Les productions y voyaient de leur côté un intérêt économique. Pour "limiter la casse", une loi a été mise en place. Elle autorise ainsi ce type de délocalisation dans un autre pays européen s'il ne s'agit pas d'un film américain. Exception pour les coproductions avec un pays européen.
Lancelot rentre dans cette catégorie étant une coproduction avec le Royaume-Uni. Contrairement à Coups de feu sur Broadway (1995) de Woody Allen, comme le rapportait Libération. À l'époque, le distributeur Bac Film avait été "soupçonné d'avoir dû terminer son doublage en Belgique et donc d'être exposé à des problèmes de visa". Si le distributeur avait alors envisagé de ne sortir le film qu'en VO, la fin de la grève avait permis de finir correctement le doublage en France.
Même si Lancelot est sorti en France bien après la fin de la grève, le 16 août 1995, le doublage resta donc en l'état avec Léon Dony et Robert Guilmard pour représenter la Belgique.