Le chef-d'oeuvre de Jean-Pierre Melville "L'Armée des ombres", sorti en 1969, a eu si mauvaise presse en France qu'il n'est pas sorti aux États-Unis. Mais 37 ans après, en 2006, il arrive enfin dans les salles US, et est alors considéré comme "un des meilleurs films étrangers de l'année". Il est à (re)voir ce soir 29 juillet sur C8.
Le chef-d'oeuvre de Jean-Pierre Melville
Histoire vraie ou fiction ? Fiction, puisqu'adapté du roman de Joseph Kessel L'Armée des ombres, paru en 1943. Mais Joseph Kessel, et Jean-Pierre Melville lui-même dans le film du même nom, tous deux résistants pendant l'Occupation, parlent bien, avec leurs inspirations personnelles et une intention ferme de véracité, de la réalité d'une terrible période de l'histoire.
Aujourd'hui, L'Armée des ombres est considéré comme un très grand film de l'histoire du cinéma français, le meilleur film sur la Résistance jamais mis en scène, avec des performances parmi les meilleures de Lino Ventura et Simone Signoret. Bouleversant par son émotion ambiguë - il s'agit de faire la guerre à l'occupant nazi comme aux traîtres de son propre camp -, L'Armée des ombres raconte le destin d'un chef de réseau et de ses hommes et femmes résistants. Avec ses trahisons, ses exécutions et ses évasions, Jean-Pierre Melville capte à merveille l'atmosphère à la fois héroïque et mortifère de la Résistance, composée d'individus ayant tout sacrifié, jusqu'à leurs vies, prêts à se tuer chacun pour sauver leur collectif et résister à la barbarie nazie.
L'histoire de Philippe Gerbier, personnage principal du film, n'est pas vraie. Mais elle est la composition de plusieurs faits et de plusieurs personnages de la Résistance. Dans ce rôle, malgré un froid entre lui et le réalisateur suite à leur collaboration sur Le Deuxième Souffle, Lino Ventura brille. Il est notamment entouré au casting de Simone Signoret, Paul Meurisse et Jean-Pierre Cassel.
Quand les États-Unis abandonnent la sortie de L'Armée des ombres
Lorsque L'Armée des ombres sort en septembre 1969 en France, la critique est mitigée. Si son classicisme expert est salué, ainsi que les performances de son casting, il est découvert dans le contexte politique de l'après-mai 68. À ce moment, dans le contexte de la guerre d'Algérie et alors que la Nouvelle Vague a bouleversé les codes du cinéma contemporain, cet éloge de la Résistance et donc de l'idéologie gaulliste ne passe pas. Notamment du côté de l'influent Les Cahiers du cinéma, qui assume un discours critique plus politique et en livre alors une critique très négative.
Les critiques négatives de L'Armée des ombres, et malgré son succès commercial avec 1,4 million de spectateurs français, refroidissent les distributeurs américains qui décident de ne pas le montrer dans les salles outrae-atlantique. Mais une fois le film réévalué par la critique française à partir du milieu des années 90, et sa réputation grandissant, il est finalement distribué pour la toute première fois en salles aux États-Unis en 2006. Il est alors un très grand succès critique, Roger Ebert écrivant notamment :
Cette copie 35mm restaurée, en ce moment dans les cinémas d'art et d'essai du pays, a peut-être 37 ans, mais c'est le meilleur film étranger de l'année.
Su Rottent Tomatoes, il affiche ainsi un score critique de 97%, et un score d'audience de 94%. Il entre en 2007 dans la prestigieuse Criterion Collection, y est en rupture de stock en 2010, et est réédité en 2020. La définition même d'un sleeper hit !