A l'occasion de sa ressortie en salles, retour sur "Carrie", le film d'horreur culte de Brian De Palma. Considéré comme l'une des meilleures adaptations de Stephen King, le long métrage représente le choix idéal pour une soirée d'Halloween parfaite.
Carrie, classique de l’épouvante, s’offre une ressortie en salles dans une version remasterisée le mercredi 1er novembre. Les influences et le style de Brian De Palma sont totalement perceptibles dans le film. Néanmoins, la richesse thématique du roman de Stephen King n'est jamais bafouée.
Personnage devenu culte et ayant fait l’objet de suites et remakes douteux, Carrie White est une lycéenne malmenée par ses camarades de classe. Maltraitée par une mère qui ne voit à travers la femme que le péché originel, Carrie n’a que très peu de moments de répit. L’adolescente peut cependant compter sur le soutien de sa professeure de sport, qui tente de lui donner confiance en elle. Alors qu’elle se découvre des pouvoirs surnaturels, Carrie résiste de plus en plus à sa mère tyrannique et ses camarades, jusqu’au soir du bal de promo où tout bascule.
Avec Carrie, Brian De Palma s'approprie à merveille le travail d’un auteur sur lequel bon nombre de cinéastes se sont cassés les dents. Le réalisateur propose dans le film une mise en scène éminemment picturale. Cela lui permet de conserver la profondeur d’un roman difficilement adaptable. A travers de nombreux procédés de mise en scène, le cinéaste évoque également son amour incommensurable pour la filmographie d’Alfred Hitchcock.
La fascination pour Alfred Hitchcock se confirme dans Carrie
Brian De Palma réalise Carrie en 1976. A l’époque, le jeune réalisateur vient de réaliser trois thrillers mémorables après plusieurs drames et comédies : Sœurs de sang, Phantom of the Paradise et Obsession. Les similitudes entre ces trois films et Carrie sont nombreuses, à commencer par la fascination du cinéaste pour le maître du suspense.
Dans Carrie, la marâtre interprétée par Piper Laurie rappelle notamment la mère de Norman Bates dans Psychose. Le nom du lycée de l’adolescente, le Bates High School, représente également une référence évidente. Pour sa première collaboration avec le compositeur Pino Donaggio, De Palma utilise des notes stridentes de violon qui évoquent le travail inoubliable de Bernard Herrmann sur Psychose. C’est le cas durant la séquence d’ouverture qui plante parfaitement le cadre, où Carrie est effrayée par ses premières règles alors qu’elle subit les humiliations des filles de sa classe.
Comme Hitchcock, Brian De Palma se révèle être un maître de l’ambiguïté. Le cinéaste laisse en effet le doute sur la nature de certains adolescents, tout en faisant comprendre qu’un piège se referme progressivement sur Carrie. Pour cela, le cinéaste utilise un seau de sang de porc comme MacGuffin, objet permettant de faire avancer l’intrigue. Grâce à l’objet, le spectateur comprend que l’issue du long métrage ne pourra qu’être tragique. Cette technique scénaristique chère à Hitchcock a notamment été utilisée dans La Mort aux trousses ou La main au collet. Tout en proposant un long métrage particulièrement original, Brian De Palma réussit à clamer son amour pour une influence majeure.
De Palma transcende le roman original
Tout au long de Carrie, Brian De Palma impressionne par ses choix de mise en scène. Cela se ressent notamment à travers les décors, à commencer par la sombre demeure de Carrie. La maison abonde en effet d’objets religieux de mauvais goût qui renforcent le malaise.
Le cinéaste est capable de jouer avec la profondeur de champ ou d’utiliser un plan-séquence pour faire monter l’angoisse du spectateur. Les minutes qui précèdent le basculement final sont par exemple un modèle de tension et de lisibilité. En cela, Brian De Palma réussit, sans difficulté, à transcender le roman de Stephen King.
L’ouvrage est constitué d’un récit mais également de coupures de presse, ainsi que d’extraits de thèse. Pour que le récit fonctionne à l’écran, Brian De Palma n'hésite pas à apporter quelques changements à l’intrigue. Le réalisateur ajoute également des ellipses. A l’arrivée, ces modifications imposent le long métrage comme une histoire de vengeance viscérale, fluide et profondément marquante.
Le premier gros succès de Brian De Palma
Tourné pour un budget d’environ 2 millions de dollars, Carrie en rapporta près de 34 au box-office américain. Le film reçut deux nominations aux Oscars, pour les performances de Sissy Spacek et Piper Laurie. A travers leurs incroyables interprétations, Brian De Palma confirme d’ailleurs qu’il est un excellent directeur d’acteurs. En France, Carrie dépasse le million de spectateurs. Le film obtient également le Grand Prix du Festival d’Avoriaz en 1977. Sissy Spacek est elle aussi récompensée pour son interprétation lors du Festival.
Premier carton public et critique pour De Palma, Carrie préfigure d’autres films du cinéaste, à l’image des excellents Furie et Blow Out. Brian De Palma a su s’approprier l’ouvrage pour y intégrer son identité de réalisateur. Il réussit ici à proposer un récit éprouvant et extrêmement touchant, en grande partie grâce à l'héroïne qui n’est jamais épargnée. A l’image de Shining et Christine, Carrie est donc à ranger aux côtés des meilleures adaptations cinématographiques de Stephen King.