Inédit en France, "Le faussaire", ce soir du 3 mai 2024 sur Arte, raconte l'histoire vraie de "Cioma", jeune juif allemand qui a falsifié des centaines de documents et de passeports pendant la Seconde Guerre mondiale pour éviter à de nombreux juifs - et à lui-même - la déportation. Un film unique en son genre, qui choisit la légèreté et l'optimisme solaire de son personnage plutôt que la violence de la situation et son voyeurisme.
C'est quoi Le faussaire ?
En 2022, la réalisatrice allemande Maggie Peren choisit pour son nouveau long-métrage, Le faussaire, de raconter un épisode de la vie de Samson "Cioma" Schönhaus, en partant de son autobiographie publiée en 2007. Celui-ci, juif allemand né en septembre 1922 à Berlin et mort en septembre 2015 à Biel-Benken en Suisse, fait partie de ces héros de l'ombre qui, avec leurs compétences et leurs quelques moyens, ont participé à sauver des centaines de vies pendant la Seconde Guerre mondiale.
"Cioma" avait un don pour le dessin et le graphisme, disciplines dont il fera son métier après la guerre en Suisse, où il s'est installé après avoir fui Berlin en 1943. Mais il a mis à profit ses compétences avant d'en faire son métier "officiel". Pendant la guerre, falsificateur de génie, il a en effet produit des centaines de faux documents et faux passeports pour permettre à un grand nombre de juifs d'échapper ainsi à la Gestapo et au sort funeste que leur réservaient les forces nazies. Tout en se protégeant lui-même grâce à plusieurs fausses identités.
À Berlin en 1942, lors que sa famille a été déportée, le jeune Juif Cioma Schönhaus (Louis Hoffmann) travaille dans une entreprise d'armement où il a été enrôlé de force. Laissant ses études d’art en plan, Cioma utilise néanmoins son talent de dessinateur pour falsifier des documents – notamment des passeports –, ce qui lui permet de survivre et d’éviter la déportation à d’autres. Grâce à son ingéniosité et son audace, il échappe à plusieurs reprises aux autorités et tente de continuer à vivre comme il le souhaite, sans se cacher, en s’adaptant aux circonstances. Avec son ami Det (Jonathan Berlin), il se fait passer pour un soldat et se rend à une soirée dansante. Cioma tombe alors amoureux d'une jeune femme (Luna Wedler) qui n'est pas dupe de ses mensonges...
Un film qui prend le contrepied du genre
C'est ainsi une histoire tout à fait vraie que raconte Le faussaire, avec un récit pour le moins surprenant. En effet, l'horreur du contexte est laissée hors champ, et la représentation de l'activité clandestine et dangereuse de "Cioma" est souvent accompagnée de mélodies légères et enjouées. Ce biopic établit ainsi un portrait enthousiasmant et touchant de ce tout jeune homme, dont la bienveillance et l'optimisme paraissent invincibles, quant tout autour de lui se répandent l'inquiétude, la gravité et la paranoïa.
Le faussaire est ainsi déstabilisant, parce qu'il se refuse à utiliser l'iconographie et les codes dramatiques associés au cinéma qui traite de la Seconde Guerre mondiale et de l'Holocauste. Pas de bruits de bottes ou d'exploitation des symboles nazis, pas de violence ni de mort à l'écran, mais une caméra centrée sur un personnage qui lutte pour sauver sa vie et celle des autres.
Mais sous cette note légère sur laquelle se développe Le faussaire, l'Holocauste est bien là. Il est décelable dans les situations tendues où "Cioma" redouble d'audace pour éviter d'être découvert. Il est là à l'extérieur, derrière les fenêtres des intérieurs où la quasi totalité du film se déroule. Là aussi, quand "Cioma" assiste, dans une scène terrible, à l'arrestation de son meilleur ami... Cette mise en scène subtile de Maggie Peren a pu laisser perplexe une partie du public. Mais elle confère à ce film un caractère unique, en refusant toute tentation de faire un spectacle direct de la tragédie qui est la toile de fond de Le faussaire.