Passé totalement inaperçu dans les cinémas, "Le Gang des bois du temple" est un des meilleurs films de braquage des années récentes, et peut-être le meilleur drame policier français depuis "Un prophète". Actuellement disponible sur MyCanal, il n'est à manquer sous aucun prétexte.
Un grand film de gangsters français
Voici un film qui n'a pas eu beaucoup de presse ni de succès lors de sa sortie dans les salles. Et pourtant... Réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche, Le Gang des bois du temple, thriller qui utilise tous les codes du film de braquage dans le cadre le plus réaliste possible, est une pépite de cinéma comme on en voit trop rarement.
Pons est un militaire à la retraite qui vit dans le quartier populaire des Bois du Temple. Au moment où il enterre sa mère, son voisin Bébé, qui appartient à un groupe de gangsters de la cité, s'apprête à braquer le convoi d'un richissime prince arabe...
Film de gangsters, histoire d'un braquage réussi mais aux représailles terribles qui vont le transformer en revenge movie, Le Gang des bois du temple contient tout ce qui fait un pur film de genre. Son justicier taciturne et intimement blessé, ses gangsters attachants piégés face à un ennemi bien plus puissant qu'eux, sa fusillade, ses meurtres, sa séquence exceptionnelle de boîte de nuit qui fait écho à sa stupéfiante séquence musicale d'ouverture lors d'une messe d'enterrement...
Dans ce film, le nom et le visage les plus connus sont ceux de Slimane Dazi, qui incarne un détective privé engagé par le prince arabe pour retrouver les responsables du braquage. Ce dernier est un personnage secondaire, et le casting principal est lui composé de comédiens peu connus du grand public, acteurs de théâtre et du cinéma d'auteur français. On trouve ainsi pour incarner Pons un fidèle de Rabah Ameur-Zaïmeche, Régis Laroche, et dans le rôle de "Bébé" Philippe Petit.
Le Gang des bois du temple, exigeant et renversant
Si Rabah Ameur-Zaïmeche tient aux codes du thriller "criminel" pour structurer et animer Le Gang des bois du temple, et qu'il engage ces codes au premier degré, il en refuse tout l'aspect spectaculaire et glorificateur. Il filme en effet ce braquage et ses conséquences dans leur plus banale réalité, dans le quotidien monotone et dépassionné de braqueurs "normaux". Ceux-là forment une famille et, à la différence des films du même genre qui font l'impasse sur la condition sociale de leurs héros et anti-héros, on découvre d'eux leur réalité propre, leur enracinement profond et leur identité dans une banlieue populaire de la France des années 2020.
On pourrait alors croire que cette intention naturaliste va casser le suspense consubstantiel au cinéma de gangsters, avec la photographie et les lumières crues de Le Gang des bois du temple, son absence de musique extradiégétique pour laisser place au grondement sourd de la ville, au bruit des pages sport froissées et partagées au PMU. Au contraire, passé la surprise d'un tempo d'abord ralenti, Le Gang des bois du temple se sublime par l'association parfaite entre le film de braquage et la chronique sociale où se raconte une terrible lutte des classes.
Avec son personnage endeuillé et vengeur et son méchant tout-puissant, ses braqueurs balayés d'un revers de main par l'ultra-richesse et le cynisme, Le Gang des bois du temple est un film unique et totalement renversant, qui fusionne avec brio le grand cinéma de genre des années 70 avec le drame social "made in France".
Inspiré de deux histoires vraies
Pour les fans de faits divers et les lecteurs des pages judiciaires, le braquage du film de Rabah Ameur-Zaïmeche a peut-être rappelé un véritable braquage. En effet, comme le réalisateur l'expliquait à la presse, il s'est inspiré pour son film d'un braquage très semblable survenu en France, et d'un assassinat très médiatisé, survenu lui à l'étranger.
"À l’origine, il s’agit d’un fait divers survenu en 2014, au cours duquel un gang lourdement armé de la Seine-Saint-Denis attaque, sur une bretelle de l’autoroute A1 à hauteur de la porte de La Chapelle, un van noir transportant les affaires personnelles d’un prince arabe, un homme parmi les plus riches du monde. (...) J’avais trouvé ce fait divers édifiant et l’avais, pour ainsi dire, gardé en réserve jusqu’à l’assassinat, en 2018, du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite, à Istanbul. J’étais sidéré à la fois par la brutalité de l’acte et par l’impunité d’une telle violence sanguinaire, commise par de hauts dignitaires si puissants qu’ils se croient au-dessus des lois et de la justice humaine. Nous avons décidé de mêler ces deux faits divers et d’en faire un nouveau scénario."
Le Gang des bois du temple est à (re)voir sur MyCanal et y est disponible jusqu'au 1er août 2024.