Sorti en 1988 aux États-Unis, "Le Grand Bleu" ne déplace pas les foules et est un échec commercial sur ce territoire. Mais le public américain a découvert un film profondément différent, avec une autre fin et une autre musique que celles expérimentées par le public européen.
Le grand succès de Luc Besson
Lorsque Luc Besson présente Le Grand Bleu au Festival de Cannes 1988, il est accueilli par des sifflets et des critiques jugeant que son scénario est simpliste et son esthétique trop commerciale. Mais dans les cinémas - il sort dans les salles françaises le même jour -, le public l'acclame et les critiques de la presse française sont positives.
L'amitié entre Jacques Mayol (Jean-Marc Barr) et Enzo Maiorca (Jean Reno), la relation aux dauphins et le vertige métaphysique de l'apnéiste incarné par Jean-Marc Barr, la musique d'Eric Serra, la photographie du film sont célébrées et c'est finalement plus de 9,2 millions de spectateurs qui le voient sur grand écran et en font un des plus grands succès du cinéma français des années 80.
Grand succès en France, film de toute une génération, Le Grand Bleu est cependant un échec à l'étranger. Production franco-italienne, sa sortie est bloquée en Italie pendant 14 ans, suite à un procès en diffamation intenté par Enzo Maiorca, qui n'apprécie pas le film et refuse le portrait - essentiellement fictif - que fait de lui Luc Besson. Aux États-Unis, les critiques sont mitigées et le public boude Le Grand Bleu, perçu comme un film trop simpliste et trop mélodramatique. Mais en réalité, le public américain n'a pas vu le même film que le public européen, puisque deux éléments importants changent du tout au tout : sa fin et sa musique.
Un happy end dévastateur et une nouvelle composition musicale
Dans la version originale, puis dans la version longue sortie en 1989, la fin du film Le Grand Bleu paraît ouverte mais est en réalité sans équivoque. Jacques, qui n'est pas adapté à la vie sur terre et n'arrive pas à vivre sa relation avec Johana (Rosanna Arquette), fait une dernière plongée. Il arrive au fond de l'océan. Mais plutôt que de remonter, au moment où un dauphin apparaît, il se détache, et s'enfonce dans l'obscurité avec le dauphin. À cette profondeur, il est alors improbable que Jacques puisse revenir à la surface. La suggestion est assez claire : Jacques se suicide et meurt donc à la fin de l'histoire.
Mais une fin trop ambigüe, ou alors trop triste pour le public américain ? Celui-ci découvre alors une autre fin du film Le Grand Bleu, avec l'ajout d'une séquence, où on voit Jacques, vivant, remonter à la surface avec le dauphin.
Un happy end qu'on peut juger décevant, ôtant à son personnage sa complexité et la fin qu'il semblait s'être choisie tout au long de l'histoire. Autre infidélité à la conception de Luc Besson de son film, dans la version américaine, ce n'est pas l'iconique musique d'Eric Serra qu'on entend, mais une composition de Bill Conti. Et qu'est donc Le Grand Bleu sans l'inoubliable composition d'Eric Serra, récompensée du César de la Meilleure musique originale en 1989, sinon une expérience bien moins saisissante ?