Si Pierre Richard est un acteur légendaire du cinéma français, il le doit en grande partie à "Le Grand Blond avec une chaussure noire", immense succès de comédie sorti en 1972. Mais à l'origine, personne ne voulait de lui dans le rôle de François Perrin...
Pierre Richard, l'acteur qu'on n'attendait pas
Au début des années 70, Pierre Richard est encore un débutant au cinéma. Il tourne en 1968 dans Alexandre le Bienheureux d'Yves Robert, son véritable premier rôle sur grand écran, et le film remporte un beau succès avec 2,2 millions d'entrées. Mais Yves Robert lui explique que sa place dans le cinéma n'est pas du tout gagnée, et qu'il aura plus de succès en faisant ses propres films. Pierre Richard s'exécute et réalise lui-même Le Distrait et Les Malheurs d'Alfred en 1970 et 1972. Le conseil d'Yves Robert était le bon, et Le Distrait est un succès.
Un succès suffisant pour l'imposer comme une tête d'affiche chez d'autres réalisateurs ? Pas vraiment, et pas même chez Yves Robert. Si bien que lorsque ce dernier développe le projet La Boîte d'allumettes - qui deviendra Le Grand Blond avec une chaussure noire -, il ne pense même pas à Pierre Richard, qu'il a pourtant lancé en 1968...
"Malgré le succès du Distrait, tout le monde était contre Pierre."
Pour mettre en scène ce film d'espionnage parodique, dans lequel un violoniste maladroit va se retrouver utilisé à son insu par les services secrets français, Yves Robert pense en effet d'abord à Claude Rich. Mais, comme rapporté par Télérama à l'époque et dans le livre "Un homme de joie" d'Yves Robert et Jérôme Tonnerre, Francis Veber - qui écrit le scénario avec le réalisateur -, lui souffle que Pierre Richard serait parfait pour le rôle.
Yves Robert s'étonne de n'y avoir pas pensé plus tôt, est convaincu, écrit le film avec l'acteur en tête, et transforme le titre. La Boîte d'allumettes devient alors Le Grand Blond avec une chaussure noire.
Pour autant, si Francis Veber et Yves Robert sont convaincus de la pertinence de leur casting, ce n'est pas du tout l'opinion de Gaumont, qui doit produire et distribuer le film. En cause, un profil atypique et un humour burlesque qui n'apparaît pas fédérateur. Francis Veber raconte :
Malgré le succès du "Distrait", tout le monde était contre Pierre. Un patron de la Gaumont prétendait : «Il va nous faire perdre la province !» Quel manque de flair !
Les négociations sont rudes. Mais Yves Robert, aussi producteur de Le Grand Blond avec une chaussure noire, tient sa position et finit par imposer Pierre Richard. La suite appartient aux grandes heures du cinéma comique français. Entouré d'un casting formidable - notamment Bernard Blier, Jean Rochefort, Mireille Darc et Jean Carmet, Pierre Richard livre une performance inoubliable.
Un grand succès, des prix, une suite et un remake
Le Grand Blond avec une chaussure noire attire plus de 3,4 millions de spectateurs dans les salles françaises. Il est récompensé de l'Ours d'argent au Festival international du film de Berlin en 1973. Il est aussi distingué par le National Board of Review aux États-Unis la même année. En 1974, Yves Robert et Pierre Richard se retrouvent pour une suite directe : Le Retour du Grand Blond.
Aux États-Unis, Le Grand Blond avec une chaussure noire fait l'objet d'un remake en 1985, L'Homme à la chaussure rouge avec Tom Hanks dans le rôle principal. Un film ni fait ni à faire tombé aux oubliettes.