Le Jour le plus long : quand un John Wayne rancunier dictait ses conditions de superstar

Un casting compliqué à l’image et en coulisses

Le Jour le plus long : quand un John Wayne rancunier dictait ses conditions de superstar

Pour que John Wayne apparaisse au casting légendaire du classique du cinéma de guerre "Le Jour le plus long", Darryl F. Zanuck a dû sortir le chéquier et s'arranger avec les demandes de la star, comme aussi avec l'authenticité de son rôle...

Le Jour le plus long, un monument du cinéma de guerre

Pour faire le récit du 6 juin 1944, jour du débarquement des forces alliées en Normandie entré la dans conscience collective comme le Jour J (D-Day en VO), l'éminent co-fondateur des studios Twentieth Century Pictures et producteur Darryl F. Zanuck entreprend fin 1960 la fabrication d'un classique du cinéma hollywoodien, film de guerre épique et démesuré, entre prouesse artistique mégalomane, documentaire immersif et propagande américaine : Le Jour le plus long.

Cette super-production hollywoodienne est menée par Darryl F. Zanuck, quatre réalisateurs (le britannique Ken Annakin, l'hongrois naturalisé américain Andrew Marton, le suisse Bernhard Wicki et Zanuck lui-même, non crédité). Le scénario est de Cornelius Ryan, basé sur son propre récit classé en non-fiction, avec plusieurs collaborations dont celle de Romain Gary et Erich Maria Remarque, écrivain allemand naturalisé américain en 1947. Du très haut niveau donc pour une reconstitution exceptionnelle et ses nombreuses batailles spectaculaires animées par des milliers de figurants.

Et, tant qu'à dépenser sans compter, avec un budget estimé à environ 10 millions de dollars (à peu près 90 millions aujourd'hui, faisant de ce film tourné en noir et blanc le plus cher de l'histoire jusqu'à La Liste de Schindler), un casting incroyable.

Défilé de stars sur les plages normandes

Comme il l'évoquait dans une interview donnée en français au JT de 20h en 1962, Darryl F. Zanuck a tenu à une reconstitution la plus fidèle possible. Ainsi, les points de vue des différentes nationalités engagées sont mis en scène avec des acteurs de chaque pays.

Le Jour le plus long
Général de brigade Norman Cota (Robert Mitchum) - Le Jour le plus long ©20th Century Fox

Pour chaque nationalité représentée, les vedettes de l'époque sont là. La liste est très longue, et va notamment des britanniques Richard Burton et Sean Connery aux français Bourvil et Arletty, des allemands Hans Christian Blech et Gert Fröbe aux américains Henry Fonda et Robert Mitchum, sans oublier la légende et icône John Wayne,.

John Wayne, des demandes exorbitantes...

En coulisses, pour faire venir John Wayne, des négociations compliquées ont lieu. Et elles sont largement motivées par l'ego de l'acteur - et par son portefeuille. En effet, comme il l'est relaté dans la biographie consacrée à John Wayne en 1997 par Gary Wills, John Wayne's America : the politics of celebrity, l'acteur était en froid avec Darryl F. Zanuck depuis que celui-ci avait stigmatisé dans une interview son échec financier notoire avec le film Alamo, sorti en 1960.

Il refuse d'abord de participer au film, mais finit par accepter au dernier moment - le rôle devait aller à Charlton Heston - contre des exigences de taille. Ainsi, alors que toutes les autres figures hollywoodiennes de renom ont accepté 25 000 dollars de paiement, John Wayne, rancunier, demande lui 250 000 dollars. Dix fois plus donc, et il obtient satisfaction.

Le Jour le plus long
Lieutenant-colonel Benjamin H. Vandervoort (John Wayne) - Le Jour le plus long ©20th Century Fox

L'autre demande est tout aussi spectaculaire. Il veut être compté et payé séparément des autres. Ceci avait alors traditionnellement une conséquence aux crédits du générique : le faire apparaître en premier et ainsi formulé "Starring John Wayne and...", suivi ensuite du reste du casting. Il obtient aussi d'être ainsi séparé, mais avec une amusante ironie. En effet, c'est à la toute fin qu'il apparaît finalement, puisque sont d'abord présentés tous les autres acteurs du film... "and John Wayne".

... Et un casting critiqué

Pour finir, son interprétation dans le film ne prend pas, étant de fait à rebours de l'intention documentariste des auteurs. En effet, "The Duke" à 54 ans lorsqu'il tourne dans Le Jour le plus long. Soit 27 ans de plus que le véritable officier parachutiste qu'il incarne, le lieutenant-colonel Benjamin H. Vandervoort, lorsque ce dernier a déployé son parachute au-dessus de Sainte-Mère-Église dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Pour un film qui revendique son authenticité, c'est un inconvénient sur lequel le public s'est largement entendu, Benjamin H. Vandervoort lui-même se déclarant "déçu".

À l'image, le décalage est éclatant. Et fait aussi écho à son apparition controversée au générique, puisque John Wayne n'a pas pris part aux combats durant la Seconde Guerre mondiale, alors que beaucoup dans le casting l'ont fait. Une situation que l'acteur regrettait, n'ayant pas été mobilisé malgré ses demandes - il était marié et père de quatre enfants nés entre 1934 et 1940. Dans la biographie écrite par Frédéric Valmont, Le Géant de l'ouest, l'auteur rapporte ainsi les propos de l'acteur :

J'ai toujours eu honte de ne pas avoir combattu. Lorsque j'interprète un officier à la tête de son commando, j'ai une piètre opinion de moi-même.