"Le Parrain" fête cette année ses cinquante ans. L'occasion pour nous de revenir sur la conception très compliquée du chef-d'œuvre de Francis Ford Coppola.
Le Parrain, un succès inattendu
À l'origine, Le Parrain est un roman de Mario Puzo qui présente la famille Corleone, l'une des cinq familles du crime de New-York. On suit alors l'ascension du père Vito Corleone, mais également celle de Michael, son fils, qui finira par rejoindre les rangs de cette organisation criminelle. Lors de sa parution, le roman fut un immense succès. L'adaptation a alors été confiée à Francis Ford Coppola, encore au début de sa carrière.
Le cinéaste en tira un véritable chef-d'œuvre qui cartonna au box-office à sa sortie en 1972. Porté par Marlon Brando, Al Pacino ou encore James Caan, Le Parrain remporta trois Oscars pour sept nominations. Aujourd'hui encore le film est considéré comme une référence. Pourtant, si le résultat touche à la perfection, la production fut loin d'être une partie de plaisir.
À la fin des années 1960, l'industrie du cinéma à Hollywood n'était pas au mieux. Les goûts du public changeaient vite et il devenait difficile d'attirer du monde dans les salles (la télévision n'aidant pas). Cela marqua ainsi la pire période pour le box-office américain. Dans le même temps, les studios mythiques étaient vendus à de grandes sociétés qui cherchaient avant tout à faire du profit sans avoir à trop dépenser. C'est dans ces conditions que la Paramount a été rachetée (pour seulement 600 000 dollars).
Un projet dont personne ne voulait
Les nouveaux propriétaires n'avaient pas vraiment d'ambition cinématographique. Pour autant, le studio disposait des droits d'adaptation du roman de Mario Puzo (obtenus pour une somme dérisoire). Etant donné le succès du livre, les dirigeants souhaitaient qu'un film soit produit rapidement. Mais uniquement pour surfer sur la vague. Car la thématique de la mafia ne marchait pas auprès du public. Un film comme Les Frères siciliens (1968), avec un beau casting (Kirk Douglas) et de bonnes critiques fut par exemple un bide total.
Dans le même temps, de jeunes réalisateurs tentaient leur chance à San Francisco pour créer leur société de production American Zoetrope. Parmi les fondateurs, il y avait George Lucas et Francis Ford Coppola. Après avoir réalisé trois films, ce dernier était à la recherche d'un projet personnel et n'était pas du tout attiré par Le Parrain, qu'il considérait comme "une sorte de série B". Mais American Zoetrope ayant besoin de rentrées d'argent, Lucas parvint à le convaincre d'accepter le job.
Au final, ni le studio ni Coppola ne croyaient à ce film. Le réalisateur imposa alors une condition pour le faire, que Le Parrain ne soit "pas un film sur le crime organisé. Mais une chronique familiale et une métaphore du capitalisme en Amérique". Pas de quoi rassurer les dirigeants de Paramount pour qui la seule qualité de Coppola était ses origines italiennes - ce qui n'était pas le cas des réalisateurs des films de gangsters précédents qui avaient fait un four.
La scène qui sauva Coppola
Le projet débuta malgré tout et Coppola commença en s'intéressant au thème de la « succession ». Celle de Don Corleone avec ses trois fils. Il dut alors se battre pour que Marlon Brando et Al Pacino soient engagés. Et toutes ses propositions étaient contestées par les dirigeants qui ne pensaient qu'à réduire les coûts. Le cinéaste s'est ainsi livré à un combat incessant. Il fut même à deux doigts de perdre la bataille, et donc sa place.
En effet, ses patrons se sont offusqués devant les rushs du film qui ne correspondaient pas du tout à ce qu’ils imaginaient. Un réalisateur était déjà prêt à prendre la relève. Mais grâce à une scène Coppola parvint à sauver sa tête. Il s'agit de la séquence du restaurant où Michael abat Sollozzo et McCluskey :
Grâce à cette scène, les dirigeants de Paramount commencèrent enfin à changer d'avis sur Coppola et Le Parrain. Le tournage pu se poursuivre dans de meilleures conditions et le réalisateur alla au bout de ses idées. Une bonne chose puisque le film fut un succès incroyable dès sa première semaine. Il marqua les esprits des spectateurs et des gens de la profession.
Le film aurait d'ailleurs donné envie à Spielberg d’abandonner. Le cinéaste considérant qu’il ne pourrait jamais atteindre un tel niveau. Enfin, pour beaucoup, la culture italienne de Coppola a été déterminante dans le succès du film. Car il montre avant tout, avec un profond réalisme, une famille italienne. La mafia est un élément secondaire. En cela Le Parrain est un drame familial qui permet à tous de s’y retrouver.
Cette conception chaotique du film est racontée en bonus du coffret Le Parrain 50e anniversaire, disponible en Édition Collector Limitée, en coffret Blu-ray + 4k, et coffret Blu-ray simple.