Une petite comédie romantique indépendante américaine va devenir le premier film distribué en utilisant la "blockchain", une technologie émergente dans la production vidéo et cinéma qui pourrait, selon ses partisans, aider l'industrie du cinéma à lutter contre le piratage.
No Postage Necessary sera disponible à partir du mois de juin (pas de date précise à ce jour) via l'application Vevue, dédiée aux échanges de contenu vidéo. Application décentralisée, ce qui signifie notamment que personne ne collecte les données personnelles des utilisateurs, Vevue s'appuie sur la plateforme technologique Qtum (prononcer Quantum) développée par la Qtum Foundation, basée à Singapour.
Vevue fonctionne avec sa propre crypto-monnaie, des "tokens" (jetons), qui feront bientôt l'objet d'une cotation et pourront être achetés sur des plateformes d'échange de crypto-monnaie, ont indiqué à l'AFP les producteurs de No Postage Necessary. Pour attirer des utilisateurs, Vevue va distribuer gratuitement des jetons de sa plateforme avant la mise en ligne du film.
Le film sera disponible à la location et à la vente, à des tarifs différents. La production s'est refusée à communiquer un prix, indiquant seulement qu'il serait équivalent, pour la location, à ceux pratiqués sur les différentes plateforme vidéo en ligne. Le film sera également disponible sur des services plus classiques comme iTunes ou Amazon.
Il est également prévue une sortie en salles, dans un "minimum" de dix cinémas aux Etats-Unis, selon les producteurs du film, le petit studio Two Road Picture.
La blockchain est une technologie de stockage et d'échanges de données, transparente et sécurisée, qui sert de base à la création et à la circulation des crypto-monnaies. Chaque transaction entre deux parties prend la forme d'un "smart contract", un "contrat intelligent" dont l'empreinte s'ajoute à une chaîne d'autres transactions déjà effectuées auparavant, formant une chaîne, la blockchain.
Il est théoriquement impossible de dissocier les ordres ou blocs les uns des autres et de falsifier ce qui ressemble à un gigantesque registre.
Un "studio blockchain"
Nous espérons que cela va signifier un changement dans la manière dont les contenus sont partagés et consommés.
A expliqué, dans un communiqué, Jeremy Culver, producteur, scénariste et réalisateur de No Postage Necessary, qui évoque l'histoire d'un pirate informatique qui tombe amoureux et est, parallèlement, victime d'un chantage à la crypto-monnaie.
Jusqu'ici, la technologie n'était pas prête. Il n'y avait pas de plateforme pour porter cette vision.
A dit le réalisateur, dont c'est le troisième long-métrage. Le principe de la blockchain présente, pour le cinéma et la vidéo, "beaucoup d'avantages", notamment la traçabilité et la protection contre la copie. Pour lui, "nous pouvons désormais imaginer un monde dans lequel les films ne seraient plus piratés".
Derrière No Postage Necessary, d'autres sont déjà sur les rangs pour marier cinéma et blockchain.
Le projet New Frontiers, qui comprend une saga de science-fiction en cinq volets et dont la sortie est prévue d'ici la fin de l'année est plus innovant encore.
Outre le fait d'être distribués grâce à la blockchain, les cinq films ont été financés par une levée de fonds en crypto-monnaie, pour un budget global d'environ 5 millions de dollars, selon le site spécialisé Deadline.
L'un des moteurs de New Frontiers, SingularDTV, se définit même comme un "studio blockchain", qui permet aux créateurs de gérer la totalité d'un projet, du financement jusqu'à la distribution, via sa plateforme Tokit. SingularDTV va également lancer prochainement sa propre plateforme de distribution blockchain, Ethervision.
Chaque projet a une empreinte indélébile qui permet d'en protéger la propriété intellectuelle, a récemment expliqué le directeur général de SingularDTV, Zach LeBeau, lors d'une table ronde au festival South by Southwest.
Comme dans la plupart des utilisations de la blockchain, le recours à cette technologie doit permettre de supprimer la plupart des intermédiaires et augmenter la part des revenus perçus par les créateurs.
Pour Nate Bolotin, de la société de production XYZ Films, également investie dans New Frontiers et qui a également participé à la table ronde, ce nouveau procédé de production et de distribution permet de "bâtir quelque chose d'assez organique, qui est orienté, de plusieurs manières, par l'utilisateur final".