"Le Prestige", l'excellent film de Christopher Nolan, mérite plus d'un visionnage pour en comprendre le sens et les enjeux. Retour donc sur un film qui fait toujours des merveilles ...
En 2006, Chistopher Nolan n'avait pas encore l'aura qu'il a développée depuis The Dark Knight. A l'époque, il vient de sortir Batman Begins, succès public et commercial qui redonne ses lettres de noblesses au super-héros. C'est son tout premier blockbuster, mais le réalisateur anglais a déjà un petit succès d'estime. Entre 1999 et 2005 il enchaîne trois films qui montrent déjà son talent de rendre des concepts narratifs, plus ou moins complexes, visuellement compréhensibles. Et en 2006, vient donc l'heure du Prestige.
Des débuts tonitruants
Dans Following, tourné pour seulement 5000$, on est plongés dans les souvenirs d'un cambrioleur pas comme les autres, puisqu'il s'immisce chez des inconnus pour faire que ceux-ci se replongent dans leurs souvenirs. Suit ensuite Memento, brillant essai où un amnésique cherche le meurtrier de sa femme, monté à la fois à l'endroit et à rebours (un concept difficile à expliquer à l'écrit !). Enfin, dans Insomnia, Al Pacino incarne un policier qui tue son coéquipier par mégarde, et cherche un meurtrier tout en n'arrivant plus à dormir, dans une ville d'Alaska où le jour est perpétuel ...
Impressionné par les deux premiers longs-métrages de Nolan, le romancier Christopher Priest fait savoir qu'il aimerait que celui-ci adapte son livre à l'écran. Le cinéaste lit et apprécie l'oeuvre, à tel point qu'il commence à travailler sur le scénario avec son frère et fidèle partenaire de cinéma, Jonathan Nolan. Le scénario est prêt en 2004, mais la production du reboot de Batman commence. Pas grave, le réalisateur intercalera le tournage du Prestige entre deux blockbusters à 200 millions de dollars !
Bale, Jackman et Bowie : de véritables magiciens ?
Réussir à tourner aussi rapidement un film si complexe est un véritable tour de force - un tour de magie, pour rester dans le thème. Dans la making-of présent sur le DVD, on peut voir Nolan au travail, qui explique le sourire aux lèvres avoir commencé le tournage en janvier 2006, et que le film était prêt en septembre de la même année.
Une autre information sur les coulisses du film est tout simplement l'investissement des acteurs pour leurs rôles. On le sait, Christian Bale est habitué à pousser jusqu'au bout la méthode de l'Actor's studio : il n'hésite pas à s'investir pleinement dans ses personnages. Du squelettique héros de The Machinist au vice-président en surpoids dans Vice, l'acteur nous a habitués à changer drastiquement de physique. Pour Le Prestige, cependant, l'investissement était moral. Préparant au mieux sont rôle de magicien, il a décidé (de même que Hugh Jackman) de rencontrer le plus de magiciens possible.
De par la nature même du métier, il s'agit d'un monde rempli de secrets. Mais l'acteur a su acquérir la confiance de Ricky Jay et Michael Weber, deux magiciens professionnels crédités en tant que conseillers sur le film. Ceux-ci ont ainsi accepté de révéler quelques "trucs" à l'acteur, pour qu'il s'imprègne au mieux de son personnage. Pour autant, comme le précise le producteur du film dans le making-of, ils se sont contentés de lui enseigner le strict nécessaire. N'allons donc pas chercher du côté de la magie pour comprendre comment Christian Bale fait pour changer aussi rapidement de physique !
Un film prestigieux
Au-delà de son twist final qui donne envie de revoir le film dans la foulée, Le Prestige annonce déjà Inception - mais aussi Dunkerque - avec un montage déroutant, qui mêle plusieurs époques sans jamais céder à la facilité d'indiquer quand l'action a lieu. La perception du temps y est intuitive, et renforce l'investissement du spectateur face au spectacle : on essaie de percer le "truc", les coulisses de la magie... On "regarde attentivement", comme le conseille le personnage de Michael Caine, tout en étant piégé par un Chritopher Nolan qui se plaît en tant qu’illusionniste.
Evidemment, une autre grande force du film réside en ses acteurs. En tête d'affiche, on retrouve donc Christian Bale, entre deux interprétations de Bruce Wayne donc, et Hugh Jackman qui sort du costume de Logan. Surtout, tout le casting secondaire fait mouche : Scarlett Johansson et Rebecca Hall sont loin d'être des simples faire-valoir, mais bel et bien des personnages importants. De plus, on ne dira jamais assez tout le bien qu'on pense de Michael Caine, et même Andy Serkis a droit à un petit rôle.
Enfin, dans Le Prestige, on retrouve David Bowie dans son dernier grand rôle. Qui d'autre pouvait interpréter avec autant de brio Nikola Tesla, inventeur touche-à-tout et génie venu d'ailleurs ? Il faut dire qu'à l'image des inventions de Tesla, le film appelle à l'émerveillement, et nous plonge dans un labyrinthe dans lequel, désorientés, nous n'en sommes pas moins fascinés.