CRITIQUE / AVIS FILM - Premier film de Lætitia Dosch, "Le Procès du chien" est une belle réussite. Une comédie inspirée par un procès improbable, et qui questionne notre société.
Le Procès du chien : Lætitia Dosch brillante devant et derrière la caméra
On connaissait le talent d’actrice de Lætitia Dosch depuis sa révélation en 2017 dans Jeune femme, présenté à l’époque au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard et récompensé de la Caméra d’or. C’est dans cette même section que la comédienne est revenue sur la Croisette en 2024 avec Le Procès du chien, mais cette fois avec, aussi, la casquette de réalisatrice. Un premier film qui lui aura demandé quatre ans de travail et dont le résultat offre autant de rires que d'émotions.
Sur le papier, on s’attendait à une comédie sympathique, un peu décalée, pour raconter l’histoire vraie du maître d’un chien accusé de morsures répétées et qui fut au centre d’un procès très médiatisé en Suisse en 2015. « Les gens avaient fait des pétitions, s’étaient beaucoup impliqués, affrontés », indiquait Lætitia Dosch dans une interview pour le Festival de Cannes, ouvrant déjà le champ des possibles pour dépasser la simple farce. Bien sûr, on s’amuse tout du long devant Le Procès du chien, mais le film dépasse rapidement sa situation loufoque.
Une comédie drôle et intelligente
Lætitia Dosch a un génie comique indéniable, autant dans son écriture (co-scénariste avec Anne-Sophie Bailly) que dans son interprétation et ses choix de réalisation. Elle se donne ici le rôle d’Avril, une avocate qui enchaîne les cas désespérés et les échecs qui vont avec. Une femme sympathique, juste et émotive, exactement comme on imagine la comédienne. Par une voix-off, la sienne, elle partage les pensées de son personnage et montre ainsi ses incertitudes, sa colère et ses difficultés à agir comme elle le voudrait. Comme lorsqu'elle annonce que sa prise de parole se fera par une voix grave et assurée, mais que tout l’inverse se produit.
C’est ainsi le portrait authentique d’une femme d’aujourd’hui à laquelle n’importe qui peut s'identifier. À ses côtés, on retrouve un François Damiens, comme toujours excellent, dans le rôle du maître malvoyant. Mais aussi Jean-Pascal Zadi, génial en dresseur, chargé de s’occuper de l’animal durant son procès. C’est d'ailleurs, dans un premier temps, par lui que notre rapport au chien va être questionné. Et de là découleront des réflexions bien plus poussées sur notre société.
Intelligemment, Lætitia Dosch amuse autant qu’elle fait réfléchir sur les questions de consentement, sur la place des femmes, la difficulté à se révolter (Avril est harcelée par son patron) et notre humanité dans son ensemble. Car ce « simple » procès de chien divise l’opinion publique. Notamment, lorsqu’est pointée, par la partie civile, une misogynie supposée de l’animal qui, jusqu’à présent, ne s’est attaqué qu’à des femmes. Ce qui aurait pu être une absurdité de plus provoque un véritable chaos dans une société prête à s’embraser - avec une montée inquiétante du fascisme.
Tout cela pourrait sembler un peu gros. Mais la maîtrise de Lætitia Dosch avec Le Procès du chien permet de garder un équilibre parfait. Un équilibre qui donne une comédie pétillante et intelligente, qui parvient même à bouleverser au moment du verdict. Une comédie « absurde, trouble et soulevant beaucoup de questions », annonçait Lætitia Dosch. On ne pourra pas dire mieux.
Le Procès du chien de Lætitia Dosch, en salles le 11 septembre 2024. Le film était présenté au 77e Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard. Ci-dessus la bande-annonce.