"Le Roi est l’Oiseau" est un jalon du film d’animation français. Réalisé par Paul Grimault et scénarisé par Jacques Prévert à titre posthume, il a inspiré de nombreux cinéastes à travers le monde. Parmi eux, Hayao Miyazaki et Isao Takahata, créateurs du studio Ghibli.
L'histoire de Le Roi et l'Oiseau
Le Roi et l'Oiseau raconte l’histoire du Roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize qui règne en tyran sur le royaume de Takicardie. Seul un Oiseau qui a construit son nid près des appartements secrets de Sa Majesté, ose encore le narguer. Au sein de ses appartements, il possède non seulement un portrait de lui-même mais également un tableau qu’il admire chaque soir et qui représente une belle bergère. Néanmoins, il ne peut s’empêcher de mépriser le petit ramoneur qui lui fait face.
La nuit venue, les personnages des tableaux et les sculptures dans les appartements prennent vie, comme à leur habitude. La Bergère et le Ramoneur, amoureux depuis longtemps, projettent de s'enfuir pour découvrir le monde. Toutefois, le portrait du Roi va s'animer à son tour et voudra épouser la Bergère. Ce sera le début d’une aventure loufoque et pleine de rebondissements.
Un film qui aurait pu ne jamais voir le jour.
L’idée du film date de l’après-guerre. En effet, Paul Grimault, co-fondateur de la société de dessins animés Les Gémeaux collabore avec son ami et poète Jacques Prévert pour adapter La Bergère et le Ramoneur, célèbre conte d’Hans Christian Andersen. Souhaitant s’éloigner des canons de Walt Disney (le studio d’animation en vogue à cette époque), l’ambition du film va pour autant se heurter à de sérieux différends artistiques et financiers en interne. En effet, la conception du film coûte trop cher aux yeux d’André Sarrut, associé des Gémeaux. En outre, il s’agace de plus en plus des exigences perfectionnistes de Paul Grimault.
Cela va provoquer une scission entre les deux qui mènera en 1950 à l'éviction de Grimault lui-même. Sarrut va alors terminer le film sans son réalisateur et sans le soutien de Prévert. Sorti en 1953 sous le titre La Bergère et le Ramoneur, et sans un montage supervisé, le film sera un échec commercial qui entraînera le studio dans une grande faillite.
Néanmoins, plusieurs années plus tard, Paul Grimault rachètera les droits d’auteur du film et se remet au travail malgré la mort en 1977 de Jacques Prévert. Définitive et intitulée Le Roi et l'Oiseau, cette seconde version sort au cinéma en mars 1980 et reçoit un accueil critique bien plus favorable et de nombreuses récompenses. Dont le Prix Louis-Delluc qui récompensera pour la première fois un film d'animation.
Sans Grimault, pas de Ghibli
En 1953, la première version désavouée par Grimault et Prevert parvient à circuler au Japon. Hayao Miyazaki et Isao Takahata seront très marqués par ce long-métrage, convaincus que des films d’animation pourraient autant plaire aux enfants qu’aux adultes. Diplômé de littérature française et notamment spécialiste de l'œuvre de Prévert, le réalisateur du Tombeau des Lucioles sera particulièrement fasciné par la complexité de l’œuvre, tant au niveau scénaristique que visuel :
Ce qui est certain, c'est que l'influence de ce film fut pour moi décisive. Je peux affirmer que, sans sa découverte, je n'aurais jamais emprunté la voie du film d'animation. C'est dire l'intensité du choc que je reçus alors.
La première influence de Le Roi et l’Oiseau sur Ghibli vient du fait qu’à l’instar de ce dernier, la plupart des longs-métrages sont des adaptations littéraires. Par ailleurs, le film de Grimault inspirera également au travers de ses thématiques jugées réalistes, dures et propices à un public adulte. On le voit dans les films de Takahata qui aime traiter des thèmes difficiles comme dans Le Tombeau des Lucioles. De l’autre coté, le thème écologique tient une place très importante.
Notons également que la musique du Roi et l’Oiseau occupe une place essentielle dans l’action et rajoute à l’émotion vue à l’écran. C’est la même chose chez Ghibli puisque dans ses nombreux longs-métrages, la bande-son permet également de transmettre différentes émotions fortes.
Enfin, on pourra noter que Miyazaki a rendu quelques clins d'œil au film de Grimault, notamment dans Le Château de Cagliostro. En effet, on retrouve dans ce long-métrage la même situation, avec le mariage forcé d’une jeune fille à un despote. De l’autre coté, le personnage du robot rappelle celui de Laputa dans Le Château dans le Ciel.