Le film de Pierre Jolivet "Les Algues vertes" raconte l'histoire vraie d'Irène Léraud, la journaliste d'investigation qui a enquêté sur les responsabilités de l'industrie agroalimentaire dans le phénomène des "marées vertes" en Bretagne. Un scandale environnemental et sanitaire toujours d'actualité.
Pierre Jolivet, un film d'alerte
Après sa comédie romantique Victor et Célia, Pierre Jolivet change totalement de registre et d'intention avec Les Algues vertes, sorti en 2023. Dans ce film, il dirige Céline Sallette dans le rôle d'une journaliste qui enquête sur le phénomène des marées vertes sur les côtes bretonnes. Les Algues vertes est un film de fiction, avec son scénario, ses actrices et acteurs, mais il n'a pourtant rien d'une fiction...
En effet, il est l'adaptation pour le cinéma de la bande dessinée Algues vertes, l'histoire interdite, qui n'est autre que le récit authentique du travail d'investigation et de reportage de la journaliste Inès Léraud.
Une affaire toujours en cours
La journaliste et documentariste Inès Léraud est spécialiste des enjeux environnementaux et de santé publique en lien avec l'industrie agroalimentaire. Elle a à ce titre produit plusieurs enquêtes journalistiques, dont la plus retentissante est celle dite des "algues vertes". En 2014, elle est alertée sur des victimes de pesticides en Bretagne et mène l'enquête sur les fameuses algues vertes qui inondent depuis des décennies le littoral breton, et dont on suspecte être à l'origine de plusieurs morts. Elle s'installe alors dans les Côtes-d'Armor et mène l'enquête.
Depuis les années 60, des algues vertes prolifèrent sur les plages bretonnes - et ailleurs-, du fait de l'action humaine et des pratiques de l'industrie agroalimentaire, et dégage de l'hydrogène sulfuré, potentiellement mortel, lors de sa décomposition. Une prolifération et ses conséquences qui seraient dues à un excédent de nutriments, issus des exploitations agricoles de la région. Mais les morts animales et humaines associées au phénomène - les plus récentes étant un un chauffeur transportant des algues en juillet 2009, un cheval le même mois, des sangliers en 2011 et un joggeur en septembre 2016 - n'y ont jamais été publiquement et formellement liées par les autorités publiques et par les acteurs privés du milieu agroalimentaire, ce dernier pratiquant l'omerta sur le sujet.
Avec son travail, Irène Léraud participe ainsi à la lente prise de conscience qu'un désastre écologique et sanitaire est toujours en cours, et que les pouvoirs publics restent aussi silencieux que les industriels/
Un film pour pousser à l'action
Les Algues vertes racontent donc, sans manichéisme, ces investigations d'Inès Léraud, et sa lutte permanente pour que celles-ci puissent avoir une diffusion au niveau national et permettre d'alerter largement la population au sujet de ce scandale sur le plan de la santé publique. Le film montre aussi les difficultés pour mener ces investigations, les pressions et les intimidations subies par la journaliste. Inès Léraud, qui déjà était à l'écriture de la bande dessinée illustrée par Pierre Van Hove, est aussi co-scénariste du film de Pierre Jolivet. Ce dernier, que nous avions rencontré lors de la sortie du film, évoquait alors l'urgence que Les Algues vertes met en lumière :
Il faut se rendre compte qu'on tire sur la gueule de notre terre. Les terres, les eaux, les rivières, les mers nous disent stop. On n'en peut plus ! Trop c'est trop ! Et pourtant on continue à produire, produire, produire. (...) Je ne sais pas de quoi demain sera fait et on peut peut-être avoir de meilleures surprises que ce qu'on croit, mais on aura des meilleures surprises que si l'on se bat. Agir, c'est tellement plus exaltant que subir. Si nous agissons tous, peut-être qu'on va pouvoir réussir à limiter les dégâts et qu'à terme, on va trouver des solutions.