Retour sur le fait-divers qui a inspiré le roman Karine Tuil "Les Choses humaines", adapté ensuite en film par Yvan Attal. L'affaire s'était déroulée aux États-Unis, sur un campus de Stanford.
Les Choses humaines : du livre au film
Réalisé par Yvan Attal, Les Choses humaines (2021) est un drame qui interroge sur les violences sexuelles. Un film qui voit deux familles se briser suite à une affaire de viol. D'un côté, Mila, une jeune fille issue d'un milieu modeste. De l'autre, Alexandre, fils d'un présentateur de télévision. Tous les deux se rencontrent en soirée. Et le lendemain, Mila accuse Alexandre de viol. Le garçon ne nie pas leur rapport sexuel, mais pense que la jeune fille était consentante. Pour cette dernière, ce n'était pas le cas, puisqu'elle tentera d'expliquer qu'elle était tétanisée durant cette situation.
Porté par un solide casting, avec Charlotte Gainsbourg, Mathieu Kassovitz, Pierre Arditi, Audrey Dana, Benjamin Lavernhe ou encore Judith Chemla, Les Choses humaines a permis de découvrir également Ben Attal, le fils d'Yvan Attal, et surtout Suzanne Jouannet, bouleversante dans ce film.
Les adeptes de littératures auront certainement fait le rapprochement entre le film d'Yvan Attal et le roman de Karine Tuil, paru en 2019. Les Choses humaines est tiré du livre éponyme, mais avec des changements notables effectués par le réalisateur. À ce sujet, Yvan Attal donnait des précisions dans le dossier de presse du film :
J’ai modifié la structure de l’histoire – il y a «lui » puis «elle» et enfin le procès – pour que le spectateur prenne le temps de s’attacher à eux. J’avais envie de savoir d’où ils venaient, qui ils étaient, comment chacun avait perçu la soirée qui précède le drame, pourquoi elle estimait qu’il y avait eu viol et lui considérait qu’elle avait donné son consentement.
Un fait-divers à l'origine du roman
C'est peu de temps après la sortie du livre qu'Yvan Attal s'est intéressé à ce récit. Bouleversé par cette histoire, le réalisateur s'est "totalement identifié aux parents des deux jeunes impliqués dans ce fait-divers". Car à l'origine du roman de Karine Tuil, il y a en effet une vraie affaire. C'est sur un campus de Stanford aux États-Unis que Brock Turner, un étudiant, a été accusé d'avoir violé une femme de 23 ans, derrière une benne à ordures, lorsque celle-ci était inconsciente.
Les faits se sont déroulés le 18 janvier 2015, et le jeune homme a été aussitôt arrêté et inculpé. Reconnu coupable en mars de la même année, Brock Turner a ensuite été condamné le 2 juin. Alors qu'il risquait sept ans de prison ferme, le juge Aaron Persky ne le condamna qu'à six mois. "C'est là que le scandale commence vraiment", écrivait Radio France en relayant cette affaire.
D'après le juge Persky, une peine de prison lourde aurait eu "un impact trop sévère sur Brock Turner", alors que, selon lui, le jeune homme ne représentait "pas de danger pour la société". Suite à cette décision, et à l'absence de considération pour la victime, une pétition avait été lancée pour demander la révocation du juge Persky : "Plus d'un demi-million de signatures. S'ajoute à cela une lettre du père du jeune homme expliquant que la vie de son fils était ruinée à cause de « vingt petites minutes d'action »".
Représenter tout un système
De son côté, la victime (présentée sous le nom d'Emily Doe pour garder l'anonymat, elle révéla ensuite son identité, Chanel Miller, après avoir publié un livre sur cette affaire en 2019), s'était exprimé dans une lettre. Elle y racontait tout le processus éprouvant qu'elle avait vécu, notamment à l'hôpital, ce que Les Choses humaines représente judicieusement. Voici un extrait de son texte relayé par Radio France :
Après quelques heures à l'hôpital, j'ai enfin eu le droit de me doucher et je me suis rendu compte que je ne voulais plus de mon corps. J'étais comme terrifiée par lui. Je ne savais pas ce qui y avait été introduit, s'il avait été contaminé ni même qui l'avait touché. Je voulais me débarrasser de lui comme on enlève un vêtement et le laisser à l'hôpital avec le reste.
Karine Tuil s'est donc inspirée de cette affaire qui avait été grandement relayée dans les médias américains à l'époque. L'autrice avait discuté de l’affaire avec des avocats, avant d’assister à des procès pour viol aux assises de Paris. De son côté, Yvan Attal a également rencontré des juges, des policiers et des avocats pour "saisir au plus près leur champ d’action, leur conception du métier". Car comme il le précise dans le dossier de presse, même si le roman lui a donné "une belle matière dramatique", il lui fallait "(s')imprégner du système, de l’arène dans laquelle chacun évolue".
Enfin, pour donner vie à Mila à l'écran, Suzanne Jouannet a également étudié des témoignages, vu des extraits vidéos de procès filmés aux États-Unis, et lu la lettre de la victime de Brock Turner, y voyant un témoignage "riche, profond et très touchant".