Ce soir Arte diffuse l'excellent film d'espionnage d'Alfred Hitchcock : "Les Enchaînés". Porté par Cary Grant et Ingrid Bergman, le long-métrage comporte une scène de baiser mythique.
Les Enchaînés : l'art du MacGuffin par Alfred Hitchcock
Réalisé par Alfred Hitchcock, Les Enchaînés (sorti en France en 1948), est un film notable de la carrière du cinéaste à plus d'un titre. Se déroulant après la Seconde Guerre mondiale, le long-métrage voit l'agent secret T.R. Devlin (Cary Grant) enquêter sur Alexander Sebastian, suspecté de trafiquer de l'uranium. Pour l'approcher, Devlin se sert d'Alicia (Ingrid Bergman), la fille d'un ancien espion américain à la solde des nazis et qui s'est suicidé en prison. Alexander Sebastian étant un ami de son père, Alicia, si elle veut réhabiliter son nom, devra se rapprocher de lui et l'espionner. Sauf que Devlin et Alicia vont vite tomber sous le charme l'un de l'autre...
Si le développement de l'intrigue de Les Enchaînés n'est pas sans rappeler le scénario de Mission Impossible 2, le film d'espionnage d'Alfred Hitchcock contient surtout un célèbre MacGuffin. Le réalisateur est bien connu pour son utilisation du MacGuffin, qui n'est autre qu'un prétexte au développement d'un scénario. Dans le film, il est question d'uranium caché dans une bouteille de vin. Mais il aurait aussi bien pu s'agir de documents secrets à récupérer. Car peu importe ce que doit retrouver le héros, ce qui compte, c'est la quête des protagonistes pour y arriver.
Le baiser record entre Cary Grant et Ingrid Bergman
L'autre élément qu'on retient dans Les Enchaînés, c'est évidemment sa scène de baiser mythique entre Cary Grant et Ingrid Bergman. Le film est la deuxième collaboration entre Alfred Hitchcock et les deux interprètes - après Soupçons (1941) pour Cary Grant, et La Maison du docteur Edwardes (1945) pour Ingrid Bergman. Le cinéaste filme alors ce superbe duo dans une séquence osée pour l'époque. Car la censure n'autorisait que peu de choses en matière d'intimité à l'écran.
Interdiction de dépasser un baiser de plus de 3 secondes. Pour contourner cette règle, le réalisateur a demandé à Cary Grant et Ingrid Bergman de rester accrochés l'un à l'autre, et d'alterner de rapides baisers tout en discutant de choses banales. Une situation qui a mis très mal à l'aise l'acteur et l'actrice durant le tournage, comme le révélait Hitchcock dans une de ses discussions avec François Truffaut.
Je leur ai dit : "Je m'en fiche de comment vous vous sentez, ce qui m'importe c'est comment cela apparaitra à l'écran".
Alfred Hitchcock expliquait à Truffaut l'importance de penser au regard du spectateur sur ce couple, pour créer une sorte de "ménage à trois temporaire". Raison pour laquelle il garde la caméra sur eux, même lorsqu'ils se déplacent dans la pièce, puis lorsqu'ils commandent à manger au téléphone. Le tout en restant accrochés l'un à l'autre.
Hitchcock joue là sur un mélange d'intimité et de banalité. L'inspiration lui est venue dans un train de Boulogne-sur-Mer à Paris, qui passait devant une usine. Le cinéaste a vu un couple devant un mur en brique. Alors que le garçon urinait contre le mur, sa compagne restait accrochée à lui. Une représentation de "l'amour véritable" selon Hitchcock, et qui déboucha donc sur cette scène de baiser de 2min30 dans Les Enchaînés, considérée comme la plus longue de l'histoire du cinéma.