Depuis "Les Rivières pourpres", sorti en 2000, Mathieu Kassovitz et Vincent Cassel n’ont plus collaboré ensemble. Le tournage du thriller avec Jean Reno a marqué le début de la scission entre le réalisateur et le comédien révélés par "La Haine", en raison de leurs méthodes de travail opposées.
Les Rivières pourpres : un thriller nébuleux mais extrêmement efficace
Quatrième long-métrage de Mathieu Kassovitz, Les Rivières pourpres est l’adaptation éponyme du roman de Jean-Christophe Grangé. Polar ambitieux bénéficiant d’une esthétique sordide, le film débute sur deux enquêtes différentes. La première est menée par le commissaire Pierre Niémans (Jean Reno), véritable institution de la police appelée en renfort à Guernon, sur un campus universitaire des Alpes, où un meurtre avec mutilation a été commis.
La seconde est prise en charge à plus de 200 km par le lieutenant Max Kerkérian (Vincent Cassel), ancien malfrat ayant opté pour une reconversion dans les forces de l’ordre. Lorsque la tombe d’une fillette de dix ans décédée brutalement en 1982 est profanée, Kerkérian découvre que la plupart des documents relatifs à son identité ont été volés. Son investigation le conduit rapidement jusqu’à Guernon, où il découvre avec Niémans que les deux affaires sont liées.
Malgré son final expédié et incompréhensible, Les Rivières pourpres demeure un thriller extrêmement solide vingt ans après sa sortie. Ambiance noire à souhait, meurtres où le soin apporté aux détails macabres marque les esprits ou encore course-poursuite nocturne et pluvieuse d’une lisibilité totale… Le film est pétri de qualités et reste d’une efficacité redoutable malgré son script sinueux. Mathieu Kassovitz a privilégié ses idées de mise en scène inspirées au détriment de révélations finales relativement faibles.
L’ultime collaboration entre Mathieu Kassovitz et Vincent Cassel
Les Rivières pourpres doit aussi beaucoup à l’alchimie entre Jean Reno et Vincent Cassel. Après Métisse, le choc La Haine et la comédie Le Plaisir et ses petits tracas, ce dernier retrouve Mathieu Kassovitz pour leur quatrième et ultime collaboration sur ce film. La relation entre l'acteur et le cinéaste aurait commencé à se dégrader durant le tournage en haute altitude.
Pour les besoins du projet, Vincent Cassel s’est durement préparé et ne s’est pas ménagé, notamment pour une impressionnante scène d’arts martiaux où il s’en donne à cœur joie contre des skinheads. Maîtrisant ses dialogues sur le bout des doigts, le comédien a par ailleurs dû faire face aux nombreux changements opérés sur le script par le réalisateur. Interrogé par Écran noir lors de la promotion, l’acteur avoue à demi-mot qu’il a quelque peu perdu le fil lorsqu’il est questionné sur les différences entre le livre et le long-métrage :
Je l'ai lu il y a maintenant pas mal de temps, et je dois dire qu'après les nombreuses réécritures du scénario, je ne sais plus trop ce qu'on trouvait dans le livre.
Dans le commentaire audio réalisé pour le DVD aux côtés de Jean Reno et Mathieu Kassovitz, Vincent Cassel ne masque pas son agacement contre ces modifications incessantes du script. En 2007, le cinéaste envisage son fidèle partenaire pour le rôle de Toorop dans Babylon A.D., avant de le confier à Vin Diesel pour accentuer la portée internationale de son film.
Les tensions entre Vincent Cassel et Mathieu Kassovitz atteignent leur point d’orgue un an plus tard, durant le Festival de Cannes. À l’entrée d’une soirée organisée en l’honneur du diptyque Mesrine, ils enterrent leur amitié au cours d’une « engueulade virile », comme l’explique le réalisateur à l’AFP. Depuis, le cinéaste et le comédien n’ont pas travaillé ensemble. Interrogé par Télérama en 2016, Vincent Cassel fait clairement comprendre que des retrouvailles ne sont pas d’actualité, en partie parce qu’il ne se reconnaît plus dans les choix de celui avec qui il a débuté :
Ce que je vois et lis de lui ne m'en donne pas envie. Je ne me reconnais plus du tout dans ce mec. Quand on a cessé de travailler ensemble, il y a longtemps maintenant, cette déception amicale m'a éloigné du cinéma pendant près d'un an : j'ai eu du mal à m'en remettre. (…) Pour rester cinéaste, il faut avoir quelque chose à dire.