Nous avions vu en fin de soirée, la veille, le nouveau Patrice Chéreau, Gabrielle, qui avait reçu un étrange accueil dans la salle: d'abord une salve ininterrompue d'applaudissements suivie d'une série de sifflets. Esthétiquement et artistiquement exigeante, l'adaptation du roman de Joseph Conrad, Le Retour, par Chéreau m'a value cependant quelques crises de bâillements honteux.
La prestation d'Isabelle Huppert fait déjà bien sur couler beaucoup d'encre, tant cette "cousine éloignée de Mme Bovary", qu'elle interprète ici, selon ses propres mots, touche par sa froideur et la relation étrange qui la lie à son mari, incarné par le troublant Pascal Greggory.
Le lendemain, on retrouve (par un hasard incroyable ?!) Isabelle Huppert et son équipe en conférence de presse. La salle applaudit ce petit bout de femme étonnant de détermination pendant au moins trois bonnes minutes.
« Cocorico ! », faisons nous intérieurement à la fin de cette première conférence de presse, (sûrement plus intéressante que le film en lui-même) mais surtout bien plus riche que les commentaires de Gwyneth Palthrow, en direct de New York, nous précisant que « oui c'est merveilleux d'être mère, c'est tellement utile pour une actrice, etc... » La salle bondée de journalistes est émue, moi passablement agaçée par la pauvreté de la prise de parole de la « reine de Miramax », comme le rappelle un journaliste énamouré de Gwyneth Paltrow.
Car Miss Paltrow a beau être mère, elle n'en a pas moins raté son avion pour Venise. « C'est affreux ! », nous explique t'elle d'un ton tragique, pendant que son réalisateur, John Madden tient très louablement le téléphone pour que la miss participe malgré tout à la conférence.
C'est surtout surréaliste que de voir combien une actrice absente physiquement en arrive à faire oublier la présence du grand Anthony Hopkins, qui lui donne la réplique dans Proof. Jake Gyllenhaal, quant à lui restera muet comme une tombe pendant les confidences soporifiques de sa partenaire à l'écran.
Un autre aficionado de la question filiale est Russell Crowe, le partenaire de Renée Zellweger dans De l'ombre à la lumière. « C'est génial d'être père, vous savez. » Ah vraiment ? Tiens, c'est drôle, il me semble avoir déjà entendu cela quelque part...
A 22 heures, on ne peut s'empêcher d'aller prendre des nouvelles de l'équipe de Gabrielle. Pascal Greggory prend un verre avec Patrice Chéreau au bar de l'Excelsior. Le smoking est de mise. L'équipe du film attend les voitures officielles du festival dans le hall. Tout ce petit monde en tenue de gala attend surtout Isabelle Huppert qui arrive également en smoking.
Devant l'entrée du palais, c'est l'euphorie à l'annonce de l'arrivée de notre star française. Le public sous le charme crie son nom dans un étrange sabir : « Isabelle, vienne ici ! ». L'intéressée hésite à approcher son public joyeux et bavard. Très timidement, elle finit par serrer quelques poignées de main et signe des autographes. Puis, c'est très sagement que la spécialiste des rôles de femmes tourmentées regagne le rang formé par la délégation du film, qui l'attend, bienveillante.
Récapitulons. A ma droite, Gwyneth Paltrow qui est restée coincée à New York et qui- adore- être- mère et à ma gauche, Isabelle Huppert, devant nous en chair et en os et qui nous avoue « ne pas se considérer comme une artiste mais pense qu'il y a un sens dans la façon de choisir mes rôles. Cela n'est pas moi qui fait tout le trajet vers le rôle. En plus, c'est une certaine idée de la vérité d'un film ou d'une personne qui m'attire plus que de faire du cinéma. »
Euh, peut-on vraiment parler de match ?
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Laetitia Heurteau (Venise, le 6 septembre 2005)