50 ans après sa sortie aux États-Unis, "Massacre à la tronçonneuse" demeure pour certains le film d'horreur ultime. Un véritable cauchemar réalisé par Tobe Hooper et entré dans la légende.
Massacre à la tronçonneuse a 50 ans
"Quintessence de l'horreur expérimentale, œuvre profonde et viscérale". C'est par ces mots que Jean-Baptiste Thoret présente Massacre à la tronçonneuse (1974) dans son livre Une expérience américain du chaos consacré (2000) au deuxième long-métrage de Tobe Hooper. 50 ans après la sortie du film aux États-Unis (le 1er octobre 1974), il demeure, en effet, encore et toujours, une expérience horrifique unique. Et dire que son réalisateur n'avait que 28 ans lorsqu'il se lança, en 1973, dans le tournage de ce film à petit budget - entre 80 000 et 140 000 dollars de l'époque, équivalent d'à peine 1 million de dollars aujourd'hui.
Un tournage chaotique et éprouvant pour les équipes techniques ainsi que les acteurs, obligés de travailler 16 heures par jour et sept jours sur sept. Le tout dans des conditions difficiles avec une forte humidité, des températures élevées et l'obligation de faire avec les moyens du bord. Ainsi, Gunnar Hansen, l'interprète de Leatherface, n'ayant qu'un seul costume, dû porter le même masque 12 à 16 heures par jour pendant un mois sans pouvoir le laver.
Une ambiance malsaine sur le tournage, un sentiment de dégoût de la part des équipes du film et des actrices poussées à bout ont participé à faire la légende Massacre à la tronçonneuse. Mais le film en lui-même est une proposition puissante d'horreur portée par un fond politique à ne pas négliger. Pas étonnant que dans son classement des 100 meilleurs films d'horreur de tous les temps, Variety l'a placé en première position.
Une terreur universelle
Pour rappel, Massacre à la tronçonneuse se déroule au fin fond du Texas où cinq amis se rendent pour visiter l'ancienne maison familiale de deux d'entre eux. Proche des lieux se trouve une autre demeure. Lorsqu'une des jeunes filles s'y aventure, elle découvre que l'endroit est habité par une famille cannibale. Ses amis vont alors, eux aussi, être rapidement confrontés à la violence de ces individus terrifiants. L'effroi provoqué par le film de Tobe Hooper provient d'abord de cette situation "réaliste", ou du moins bien trop plausible. Il est aisé de s'imaginer soi-même dans une région pauvre et isolée, et de croiser à son tour la route de ce genre d'énergumènes. D'ailleurs, les œuvres qui ont repris ensuite ce concept sont nombreuses, comme le récent X (2022), relecture intelligente de Massacre à la tronçonneuse.
Mais si Massacre à la tronçonneuse a autant marqué les esprits à l'époque, c'est aussi et surtout en raison de son contexte. Jean-Baptiste Thoret résume parfaitement la situation américaine des années 1970, expliquant que le film "cristallise bon nombre des inquiétudes de l'époque, le fiasco vietnamien et la peur de la conscription, la paranoïa post-Watergate, la crise pétrolière de l'année 1973 ou encore la gueule de bois du mouvement hippie". À cela s'ajoutent les souvenirs de tueurs en séries, comme Ed Glein, figure terrible des années 1950 qui inspira Tobe Hooper. Ainsi que des symboles d'une terreur plus universelle, ajoute Jean-Baptiste Thoret :
La mémoire des camps, la manutention des corps ou encore le génocide indien.
Le film culte de Tobe Hooper interdit en France
Tobe Hooper a ainsi mis en image un véritable cauchemar, effrayant à tant de niveaux, et dont il est impossible de se réveiller. Un film où la frontière entre fiction et réalité est si mince qu'on ne sait plus si ce que l'on voit est vrai ou non. Ce qui n'empêche pas Tobe Hooper de faire une vraie proposition de cinéma, avec des plans iconiques. L'énergie brutale qui se dégage de Massacre à la tronçonneuse se combinant parfaitement à une cinématographie de qualité dans le dernier plan. Celui d'un Leatherface en rage faisant tourner sa tronçonneuse au-dessus de sa tête devant le soleil levant. Un ultime moment de folie qui termine de figer le spectateur.
Visiblement, tout cela était trop éprouvant pour les cinq ministres de la Culture successifs qui ont fait interdire Massacre à la tronçonneuse en France en 1974 après seulement une semaine d'exploitation. Malgré le succès du long-métrage aux États-Unis, le public français, âgé d'au moins 18 ans, a dû attendre jusqu'à 1982 pour voir Massacre à la tronçonneuse au cinéma dans sa version intégrale.