Réalisé en 1994, le film à sketchs "Memories", qui regroupe trois courts-métrages d'animation japonaise, est à découvrir dans les salles. Trois œuvres passionnantes et visuellement impressionnantes.
Memories au cinéma
Auteur du célébrissime Akira, Katsuhiro Ōtomo imagine au début des années 1990 l'omnibus (film à sketches) Memories. Une œuvre riche qui regroupe trois courts-métrages : Magnetic Rose de Koji Morimoto, Stink Bomb de Tensai Okamura et Cannon Fodder qu'il réalise. Trois histoires très différentes mais qui offrent une proposition variée et passionnante en termes d'animation japonaise.
Et si jusqu'à présent il avait fallu se contenter d'un DVD sorti en 2004, on ne peut que se réjouir de la mise en avant par Eurozoom de Memories dans les salles françaises, à partir du 24 août. D'autant que chaque proposition parvient à se détacher l'une de l'autre, aussi bien par son récit que visuellement.
L'espace mélancolique de Magnetic Rose
Il y a d'abord l'univers étrange et dérangeant de Magnetic Rose, qui voit une équipe de sauvetage se rendre dans un vaisseau spatial et se perdre dans des visions fantomatiques. Ce premier film, scénarisé par l'immense Satoshi Kon, porte déjà en lui le style du réalisateur de Perfect Blue (1997) et Paprika (2006). On repense inévitablement à ces deux œuvres devant le court-métrage où rêve et réalité se confondent. Difficile de déceler le vrai du faux grâce à la direction artistique magistrale offerte par Satoshi Kon.
Une certaine mélancolie terrifiante se met alors en place, tandis que les deux sauveteurs s'enfoncent dans un cimetière de souvenirs aux allures d'opéra. Des trois films qui composent Memories, Magnetic Rose est peut-être le plus fascinant, renvoyant également au Solaris de Tarkovski et proposant une mise en scène d'une vraie richesse.
Une odeur mortelle dans le décalé Stink Bomb
Dans le second court-métrage, Stink Bomb, scénarisé cette fois par Katsuhiro Ōtomo, la comédie burlesque l'emporte sur un récit des plus dramatiques. Dans un laboratoire, Nobuo décide de prendre un médicament expérimental pour soigner son rhume. Après une sieste, il se réveille dans son bureau et découvre que tous ses collègues sont mort. N'ayant pas conscience qu'il est devenu une arme bactériologique et qu'il dégage désormais une odeur mortelle, il va parcourir le pays pour remettre des documents secrets à ses employeurs, provoquant par la même occasion un véritable cataclysme.
Même si l'animation de Stink Bomb peut paraître "plus classique", elle n'en demeure pas moins dynamique. Car alors qu'il continue d'avancer, Nobuo devra être arrêté par l'armée, qui n'hésitera pas à lui envoyer dessus tout un arsenal provoquant des explosions en pagailles desquelles il sortira toujours indemne. Le ton humoristique contraste alors avec la situation, ce qui n'empêche pas de faire passer un message critique sur l'armée et son inefficacité totale, mais également sur le dévouement des employés qu'inculque la société japonaise.
L'absurdité de la guerre avec Cannon Fodder
Enfin, le troisième segment qui compose Memories, Cannon Fodder, nous emmène au cœur d'une ville fortifiée en guerre. Chaque jour, la même mécanique se met en place pour tirer un immense canon en direction d'un ennemi invisible. Enfants, femmes et hommes travaillent dans un effort collectif à la fabrication des munitions. Katsuhiro Ōtomo, qui réalise et scénarise l'œuvre, propose pour cela un plan-séquence impressionnant de vingt-deux minutes.
Avec un arrière-plan fixe combiné à une animation variée (zooms, panoramiques, travelings, etc), le film présente de manière virtuose une immense usine absurde et corrosive. Cependant, l'auteur parvient à maintenir dans son œuvre une certaine légèreté, sans tomber dans le burlesque comme Stink Bomb, en se plaçant en partie à hauteur d'un enfant.