Merci pour le chocolat : ce thriller sordide avec Isabelle Huppert est-il inspiré d'une histoire vraie ?

Merci pour le chocolat : ce thriller sordide avec Isabelle Huppert est-il inspiré d'une histoire vraie ?

Diffusé ce soir du 15 mars 2024 sur France 5, "Merci pour le chocolat" est une des collaborations les plus abouties entre Claude Chabrol et Isabelle Huppert, et un thriller aussi étrange qu'haletant. Est-il inspiré d'une histoire vraie ?

Un sommet de Claude Chabrol et Isabelle Huppert

En 2000, le cinéaste Claude Chabrol rassemble Isabelle Huppert et Jacques Dutronc pour un thriller bourgeois et délicieusement immoral : Merci pour le chocolat. Si c'est sa première fois avec le célèbre chanteur, c'est sa sixième collaboration avec l'actrice, 22 ans après leur première pour Violette Nozière, qui lui avait valu sa deuxième nomination au César de la Meilleure actrice.

Marie-Claire "Mika" Muller (Isabelle Huppert) - Merci pour le chocolat
Marie-Claire "Mika" Muller (Isabelle Huppert) - Merci pour le chocolat ©MK2

André Polonski (Jacques Dutronc), pianiste virtuose, et Mika Muller (Isabelle Huppert), PDG des chocolats Muller, se sont mariés à Lausanne. Auparavant, André a épousé Lisbeth dont il a eu un fils, Guillaume (Rodolphe Pauly). Le jour de ses six ans, alors qu'ils étaient de passage en Suisse chez Mika, Lisbeth s'est tuée dans un accident de voiture. La jeune Jeanne Pollet (Anna Mouglalis), qui prépare le concours de piano de Budapest, apprend qu'elle aurait été échangée le jour de sa naissance avec Guillaume. L'infirmière aurait interverti les bracelets des deux bébés. À la recherche de ses origines et d'un mentor, l'ambitieuse débutante tente de s'approcher du maître. Cette intrusion va ébranler l'édifice familial...

Ce terrain est le favori de Claude Chabrol, celui d'une famille bourgeoise recomposée, avec des liens du sang complexes, et un sang dans lequel coule un poison secret. Une situation de départ idéale pour que le cinéaste développe son traitement ambigu du bien et du mal, avec une Isabelle Huppert formidable, tout en duplicité et perversité. D'une certaine manière, Merci pour le chocolat préfigurait Anatomie d'une chute de Justine Triet, qui revendique une inspiration du cinéma de Claude Chabrol, comme lui-même revendiquait alors celle d'Alfred Hitchcock.

Merci pour le chocolat, une adaptation d'un polar américain

À découvrir Merci pour le chocolat, sa lente construction de la tension et sa retenue du drame jusqu'au dénouement renversant, on pourrait penser que Claude Chabrol, accompagné de Caroline Eliacheff au scénario, s'est inspiré d'un fait divers. Ou alors aurait eu accès aux sombres secrets de riches familles. En réalité, Claude Chabrol s'est inspiré du roman The Chocolate Cobweb (1948) de Charlotte Armstrong, écrivaine et scénariste américaine. Il s'agit pour lui de la deuxième adaptation libre d'une de ses oeuvres, après La Rupture en 1970. Claude Chabrol expliquait aux Inrocks en 2000 :

"The Chocolate Cobweb", je l’avais lu il y a très longtemps, en 1950. Il y a une trentaine d’années, j’ai un peu regardé ce qu’il était possible de faire avec ça, et je n’ai pas trouvé la solution. (...) Quand j’ai eu l’idée de faire un film avec Isabelle Huppert en perverse, j’ai repensé au personnage de ce livre, qui n’est d’ailleurs pas le personnage principal. Et je me suis souvenu qu’il y avait cette histoire de possibilité d’un échange d’enfants que je trouvais épatante.

Une histoire vraie ?

À propos de cette histoire d'échange d'enfants, Merci pour le chocolat est semblable à La Vie est un long fleuve tranquille, bien que les deux films soient très éloignés. Et dans le film d'Étienne Chatiliez, il s'agit bien d'un fait divers qui est à l'origine du scénario. Mais Claude Chabrol, sur la base du livre de Charlotte Armstrong, n'est pas parti lui de ce fait divers survenu à Roubaix en 1950, puisque The Chocolate Cobweb était publié aux États-Unis 2 ans avant. Ainsi, s'il peut faire rétrospectivement écho à ce fait divers français, Merci pour le chocolat est bien une oeuvre de fiction adaptée d'une histoire originale, comme poursuit Claude Chabrol :

À partir de là, Caroline Eliacheff a fait un premier jet du scénario à partir du livre. J’ai travaillé sur le premier jet de Caroline à partir de mes souvenirs. En gros, il doit y avoir 50 % du bouquin et 50 % d’inventé. Il y a trente ans, je pensais adapter vraiment le livre, alors qu’il fallait simplement en utiliser des éléments.