Après avoir été présenté aux Festivals de Sundance et de Toronto, Mudbound arrive enfin sur Netflix vendredi 17 novembre. Ce film coup de poing brillamment mis en scène par la réalisatrice Dee Rees, que nous avons eu le plaisir de rencontrer à Londres il y a quelques semaines, pourrait bien créer la surprise à la prochaine cérémonie des Oscars.
Adapté du roman Mississippi de Hillary Jordan, Mudbound se déroule dans le sud rural des États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale. C’est l’histoire de deux hommes, un blanc et un noir, qui se lient d'amitié autour de leur passé commun de soldat malgré la discrimination raciale.
Mudbound suit la famille McAllan, fraîchement débarquée de la ville de Memphis, qui découvre la dure vie d’agriculteurs dans le Mississippi. Malgré les grands rêves de Henri (Jason Clarke), sa femme Laura (Carey Mulligan) lutte pour garder foi en son mari et en son entreprise en déclin. Pendant ce temps, Hap et Florence Jackson (Rob Morgan, Mary J. Blige), exploitants agricoles de génération en génération, œuvrent courageusement pour construire leur propre rêve malgré les barrières sociales auxquelles ils font face.
La guerre bouscule les projets des deux familles ainsi que ceux de leurs proches Jamie McAllan (Garrett Hedlund) et Ronsel Jackson (Jason Mitchell), récemment revenus de la guerre. Les deux hommes tissent rapidement des liens d’amitié malgré les réalités raciales et sociales du Mississippi.
Si Dee Rees signe un film poignant et superbement mis en scène, ce sont les interprétations des acteurs qui nous transportent, à commencer par l’inattendue Mary J. Blige, impressionnante dans son rôle de matriarche. Elle a d’ailleurs récemment remporté le Hollywood Award de la révélation pour son interprétation. Une future nomination aux Oscars ne serait donc pas exclue et même totalement méritée.
Rencontre avec la réalisatrice Dee Rees
Comment Netflix est arrivé sur ce projet ?
Mon premier long-métrage, Pariah, a bénéficié d’une sortie salles mais n’a pas vraiment atteint son public. Les gens l’ont vraiment découvert plus tard, lorsqu’il a été disponible sur Netflix. Ils ont vraiment aidé au rayonnement de ce film et à sa longévité. Après avoir présenté Mudbound à Sundance, j’avais vraiment envie d’avoir un distributeur qui aime le film, et qui ait envie de le défendre, c’était très important pour moi. Ted Sarandos a vu le film et j’ai eu le sentiment qu’il avait vraiment saisi ses enjeux. C’était primordial pour Mudbound d’avoir un distributeur qui ne modifie pas le film et qui permette d’atteindre le plus de gens possible dans le monde, c’est pour ces raisons que Netflix m’a semblé être le meilleur choix.
Pourquoi avoir choisi de confier le rôle de Florence à Mary J. Blige ?
Pour le personnage de Florence, j’avais besoin d’avoir une actrice capable d’exprimer ses émotions à travers son regard. C’est une femme qui ne parle pas beaucoup mais qui observe énormément. En concert, Mary J. Blige ne se contente pas de chanter ses chansons, elle les vit, et dans le public on ressent ses émotions et ça fout la chair de poule. J’ai le sentiment qu’elle dégage beaucoup d’humanité, et que ça a énormément apporté au personnage de Florence. C’est un rôle compliqué mais je savais qu’elle serait capable de l’interpréter, elle sait tout faire !
Le racisme est malheureusement toujours très présent dans le monde. C’est un élément auquel vous avez beaucoup pensé en faisant le film ?
Je crois que le contexte actuel va rendre les gens encore plus sensibles au propos du film. Il y a cinq ans, les spectateurs auraient pu penser que cette violence raciale que je montre dans Mudbound appartenait au passé mais malheureusement elle est toujours d’actualité dans notre pays. Et il n’y a pas que du racisme haineux, il y a aussi des gens pacifiques mais qui pensent simplement que leur race est supérieure. J’avais également envie de traiter ce sujet là dans le film, à travers la famille des McAllan.
Souvent les gens racistes clament qu’ils ne le sont pas, mais ce qu’ils signifient vraiment c’est qu’ils ne sont pas haineux. Je vis dans un immeuble assez huppé de Manhattan et la dernière fois je sortais mon chien, en pyjama, et je croise un homme dans l’ascenseur qui me demande si je suis une promeneuse de chiens. Ça n’était pas haineux, mais ça traduisait simplement une incompréhension de sa part. Il n’était pas évident pour lui que moi, en tant que personne noire, je puisse habiter dans un immeuble de standing. C’est ce que j’appelle le racisme inconscient.
Il y a une scène particulièrement violente à la fin du film
Les gens me parlent souvent de cette scène mais je ne la trouve pas plus violente que des films comme Orange Mécanique, Funny Games ou Reservoir Dogs. Je crois que les gens ont du mal à la regarder car elle traduit une réalité, et c’est pour ça qu’elle est difficile, on a du mal à regarder la réalité en face.
Mudbound sera disponible sur Netflix dès le 17 novembre
Chloé Valmary (15 novembre 2017)