Lorsqu’un musicien punk passe derrière la caméra pour suivre le quotidien de groupes coréens, cela donne « No Money, No Future », un documentaire délirant et bourré d’énergie.
Pour beaucoup, le punk évoque la fin des années 1970 avec les Sex Pistols, les Clash ou encore les Ramones. Mais à côté de Scumraid et Find the Spot, ces groupes mythiques passeraient presque pour de la variété. Ces deux groupes sont coréens, jouent dans la rue ou dans des bars, et voient le punk comme un moyen d’exprimer leur colère. Dès lors, ils ne s’embarrassent pas vraiment de la musicalité, tant que celle-ci peut se résumer à jouer très vite, très fort, et en hurlant un message inaudible – évidemment contre le système et le capitalisme. Invités à un festival de musique au Japon, ils partent ensemble pour un voyage, que Lee Dongwoo, membre de Scumraid, a décidé d’immortaliser avec son premier long-métrage No Money, No Future.
Un documentaire à cent à l’heure
Un tel documentaire aurait aisément pu basculer dans le pathétique si les principaux protagonistes (les groupes donc) s’étaient réellement pris au sérieux. Ici, il n’en est rien. Les Scumraid et Find the Spot s’amusent en roulant faussement des mécaniques devant la caméra de Dongwoo. Se moquent d’eux-mêmes lorsqu’ils ne parviennent pas à jouer sans faute une chanson qu’ils interprètent depuis six ans. Et prennent toujours avec le sourire leurs mésaventures, comme en oubliant leur merchandising à l’aéroport. Ils savent bien qu’ils n’iront pas bien loin avec leur musique, mais se lancent dedans avec une envie et une honnêteté qui les rendent des plus attachants. Et d’autant plus lorsque le chanteur de Find the Spot, ivre, fond en larmes en exprimant ses doutes concernant le groupe qui n’avance plus. Un élan de lucidité oublié aussitôt sa sobriété retrouvée, mais qui témoigne du caractère émouvant de ces gens-là.
Ainsi, No Money, No Future prend des airs hallucinés de Spinal Tap, faux documentaire de Rob Reiner qui parodiait un groupe de heavy metal. Sauf que là, les loosers sont bien réels et particulièrement touchants. Et le documentaire tient surtout à montrer la fausse image qu’on peut se faire d’eux en Corée, pays où le punk est une étrangeté. Lee Dongwoo plonge ainsi tête la première dans cet univers singulier. Il enchaîne les images à cent à l’heure, alternant entre performances bruyantes et absurdes, et commentaires humoristiques - car en contraste total - souvent annoncés par une petite mélodie au piano. Il donne ainsi une vraie personnalité à son film, sans jamais chercher à s'inventer cinéaste de métier.
No Money, No Future se montre alors fascinant, extrêmement drôle et souvent émouvant, tout en se plaçant comme un témoin de la société actuelle en Corée du Sud. Si de prime abord, on aurait préféré changer de trottoir à la vue de cette belle bande de punk, désormais, on les accompagnerait volontiers dans leur quotidien dément, où on ne vit qu’au jour le jour et on n’exprime sa rage et sa colère que par la musique.
No Money, No Future de Lee Dongwoo, présenté au Festival du film coréen à Paris du 24 au 31 octobre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.