2017 aura vu fleurir tout un tas de nouvelles séries. En cette fin d'année, on vous a préparé une sélection de dix nouveautés, plus ou moins populaires, qu’il faudra rattraper d'ici leurs éventuelles saisons 2 en 2018.
The Deuce – HBO (en France sur OCS)
Avec The Deuce, David Simon a rappelé qu’il était le patron et à quel point sa collaboration de longue durée avec HBO était précieuse. Ainsi, après avoir dépeint Baltimore dans The Wire, la Nouvelle-Orléans dans Treme, et la politique newyorkaise de la fin des années 1980 avec Show me a Hero, c’est le New York du début des années 1970 qui sert l’exploration socio-politique de l’auteur.
Même si on a un temps vendu The Deuce comme « la série sur le porno d’HBO », le résultat est bien plus complexe et profond. C’est avant tout l’histoire d’un quartier et des personnes qui le composent. Les prostitués et leurs macs bien sûr, mais également la police, dont le quotidien est d’embarquer toujours les mêmes filles du trottoir, la mafia des alentours, les employés d’un bar, les clients… Tout un milieu qui va se retrouver bouleversé en même temps que les mœurs s’adoucissent. Soudain, on trouve des lieux où on n’a pas à se cacher d’être gay, et où petit à petit, il n’est plus nécessaire d’user de combines pour vendre du sexe. C’est ainsi que dans les derniers épisodes, The Deuce montre le développement du porno, et surtout ce qui le différencie de la prostitution, évitant de réduire tout cet ensemble à du sexe monnayé.
The Deuce ne cherche ainsi pas à faire dans le surréalisme fantasmé, mais bien dans l’authentique – sorte de version réaliste de Vinyl, à l’esthétique stylisée. C’est dans cette approche que David Simon évite, comme toujours, tout manichéisme. Il rend ainsi fascinant, si ce n’est attachant, chaque protagoniste qui tente, à sa manière, de se sortir de sa misère, ou simplement de survivre à sa journée. À l’image des prostitués, dont Simon montre toute la complexité lorsque l’une d’entre elles aura droit à une échappatoire, mais n’y fera rien. Une leçon signée David Simon !
Mindhunter – Netflix
Dans un sens, il n’y a pas eu de surprise avec Mindhunter. On nous annonçait une série noire à la David Fincher, c’est bien ce qu’on a eu. Le cinéaste livrant sa deuxième série pour Netflix (après avoir œuvré sur House of Cards) dans un style plus proche de Zodiac que de Seven. En effet, il ne s’agit pas ici de s’intéresser à une enquête à la manière de True Detective, mais plutôt de dépeindre une Amérique des années 1970 au travers d’entretiens avec des tueurs en série.
Surtout, David Fincher cherche à comprendre des esprits différents de la norme, ceux des tueurs. Pourquoi font-ils cela ? Qu’est-ce qui les mène à passer à l’acte ? Des questionnements fascinants que le FBI, notamment, refusait d’approfondir. Mindhunter suit alors l’étude de l’agent Douglas et permet de rentrer dans la tête de célèbres criminels. Fincher prend une direction opposée à Seven, en les montrant avec un réalisme cru plutôt qu’en faisant d'eux des figures mythiques. Le tout, en pointant une part de responsabilité de la société, mais pas que.
Smilf - Showtime
Et si c’était elle la série féministe qu’on attendait ? Smilf, c’est l’histoire de Bridgette, une jeune trentenaire qui élève quasiment seule son enfant. Quasiment, car son ex reste présent. Mais pas suffisamment pour lui permettre de jouir encore de sa liberté, d’assouvir ses désirs sexuels ou de se trouver un boulot correct.
Bien sûr, Bridgette n’est pas une victime et a bien des choses à se reprocher. Elle est un brin égoïste, peut-être immature, mais elle essaie. Se plante souvent, mais se relève, comme ceux qui l’entourent. On pense forcément à Shameless avec ces personnages de la loose et la mise en scène relativement réaliste. Mais Frankie Shaw, scénariste, actrice et réalisatrice de la série, va au-delà, et ne se contente pas d'une caméra embarquée avec un montage dynamique. Elle utilise réellement le médium à sa disposition pour s’exprimer de différentes manières. N’ayant pas peur de bouleverser ses codes d’écritures d’un épisode à un autre, ou d’assumer des situations surréalistes pour faire des métaphores de l'état d’esprit de son personnage.
Éminemment personnelle, Smilf fait preuve d'honnêteté dans son approche. Avec, Frankie Shaw parle d'elle, des femmes en général, et encore au-delà.
There's... Johnny! - Hulu
There’s... Johnny!, c’est la petite surprise de l’année passée inaperçu en France. Normal, la série n’est disponible pour le moment que sur Hulu, et embarque dans les coulisses d’un célèbre talk show américain des années 1970, le Tonight Show Starring Johnny Carson.
Tout commence avec le jeune et naïf Andy, qui décide un beau jour de quitter sa petite ville du Nebraska pour tenter de travailler sur l’émission. La bonne idée des créateurs Paul Reiser et David Steven Simon, et du metteur en scène David Gordon Green, est alors de se concentrer sur les personnages de l’ombre (les scénaristes et une jeune productrice, entre autres), tout en reprenant de véritables moments du show. Ainsi, en plaçant la caméra dans les coulisses, on note l’excellent travail de remise en scène des images d’archives. Faisant apparaître dans un moniteur des passages mythiques de l’émission, David Gordon Green redonnent vie au Tonight Show, et rend un bel hommage à Johnny Carson.
Par ailleurs, si on se laisse embarquer par les histoires autour de l’émission (comment faire venir Dean Martin et Jerry Lewis sans qu’ils ne se rencontrent ?), There’s... Johnny! touche par ses personnages profondément humains, qui questionnent des problèmes de société de l’époque. Les différences de salaire entre homme et femme, la non acceptation de l’homosexualité (où il est préférable de faire un faux mariage avec une femme), ou encore les conséquences de la guerre du Vietnam.
Des éléments qui font évidemment écho avec la société d’aujourd’hui, et qui permettent d’offrir un sentiment d’empathie envers ces personnages attachants. D’autant que des comédien.ne.s comme Jane Levy (toujours excellente), Tony Danza ou Roger Bart savent se rendre éminemment sympathiques et touchants. Et si on peut pointer du doigt l’aspect gentillet de la série, à une époque où le ton est au cynisme, le sentiment de positivisme que dégage There’s... Johnny! est particulièrement appréciable.
The Girlfriend Experience – Starz (en France sur OCS)
Techniquement, The Girlfriend Experience n’est pas une nouveauté puisque cette année on découvrait sa saison 2. Cependant, les nombreux changements en font une série totalement nouvelle. Certes, on retrouve le milieu d'escort girl et un style particulièrement froid. Mais en composant la nouvelle saison en deux parties distinctes, chacune diffusée en même temps (c’est-à-dire un épisode de chaque histoire par semaine), la chaîne Starz innove.
Il y a évidemment des défauts et une certaine inégalité entre les deux histoires. Néanmoins, il devient rare de voir des séries faire preuve d’une telle audace. Originale dans sa forme, et fascinante dans son fond, The Girlfriend Experience a bousculé les codes. Et rien que pour ça, on en redemande !
The Sinner – USA Network (en France sur Altice Studio)
S’il y a bien une série dont on attendait rien, c’est The Sinner. Créé par Derek Simonds, le show a pourtant tenu en haleine son public durant toute la première saison. Une saison de très bonne facture, dans laquelle une mère de famille agresse et tue un homme en pleine journée, sans raison apparente. Et c’est là toute la subtilité de The Sinner, qui d’une part révèle immédiatement l’identité du tueur (cette femme), mais en plus n’offre aucune raison à son geste. Dès lors, la police (et nous) se retrouve déstabilisée face à cette femme, somme toute normale, qui ne nie en aucun cas son crime, mais ne peut pour autant le justifier ni le comprendre.
The Sinner se focalise sur l’aspect humain, mettant l’accent sur la profondeur de personnages brisés. Dans le rôle de Cora Tannetti, Jessica Biel se révèle magistrale. Faisant preuve d’une subtilité remarquable, dès sa première scène, où on sent bien en elle quelque chose de troublant et d’inquiétant, sans vraiment pouvoir le pointer du doigt. Un an après The Night of, voici une nouvelle preuve que le genre de la série criminelle peut encore surprendre et faire preuve d’originalité.
Big Little Lies – HBO (en France sur OCS)
Big Little Lies n’aurait peut-être pas eu le même intérêt sans la présence derrière la caméra de Jean-Marc Vallée. En effet, bien qu’uniquement réalisateur, le cinéaste a su s’approprier la série adaptée du roman Petits secrets, grands mensonges de Liane Moriarty, et y apposer sa patte. Alors que tout commence par un meurtre commis dans la petite bourgade de Monterey, en Californie du Nord, le réalisateur s’en écarte, revient littéralement en arrière, pour se focaliser sur les mères bourgeoises prêtes à montrer les dents dès qu’on s’attaque à leur chère progéniture. Des femmes bien souvent antipathiques, mais dont Vallée parvient à dégager un sentiment d’empathie, les rendant ainsi malgré tout attachantes, durant même leurs crises de nerfs respectives.
On pourrait alors se contenter d’observer ce petit monde fascinant, d’accompagner dans leur quotidien ces femmes au foyer pas si désespérées. Ce n’est d’ailleurs pas anodin que la résolution du meurtre soit remise au plus tard, tant l’intérêt est ailleurs. Et puis, avec Nicole Kidman, Reese Witherspoon, Shailene Woodley, Zoë Kravitz ou encore Laura Dern filmées par Jean-Marc Vallée, que demander de plus ?
Legion – FX (en France sur OCS)
Parmi les nouvelles séries (et pas que), Legion est sûrement celle qui aura le plus frappé en termes de réalisation. En effet, encore aujourd’hui, difficile de trouver beaucoup de séries qui marquent par un tel parti-pris visuel. Qui tentent réellement de s’exprimer par l’image, plutôt que de se focaliser sur l’écriture (ce qui n’est pas un mal). Legion plonge ainsi dans une expérience parfois tordue, entre rêve et cauchemar, où le burlesque et l’horreur se rejoignent. On pense alors autant à David Lynch (Twin Peaks) et Terry Gilliam pour les bizarreries, qu’à Nicolas Winding Refn ou Gaspar Noé pour la stylisation extrême.
Il faut dire que Noah Hawley, le créateur de la série, plonge dans l’esprit malade de David Haller, interné dans un hôpital psychiatrique pour des troubles schizophréniques. Une approche originale du genre super-héroique (Legion est adaptée des comics liés à l’univers des X-Men), où est émis la possibilité que les pouvoirs des héros ne sont en réalité que le fruit de leur imagination. Un fond pertinent donc, avec une forme absolument jouissive, notamment grâce aux performances de Dan Stevens et Aubrey Plaza, et le look très 70’s de la série.
Room 104 – HBO (en France sur OCS)
S’il fallait décerner le prix de la série la plus étrange, Room 104 l’emporterait certainement. Difficile de qualifier précisément ce qu’est cette nouvelle production d’HBO où le seul point commun entre les épisodes est le lieu : une chambre d’hôtel. Les personnages changent d’un épisode à l’autre, tout comme les réalisateurs et le genre choisi. Ainsi, Room 104 n’est en rien parfaite. Et certains épisodes sont même ratés. Mais chacun est une nouvelle surprise. Audacieuse, la série est surtout remarquable de par les possibilités créatives offertes aux auteurs qui se succèdent. Et puis, ne serait-ce que pour son épisode 6, « Voyeur », qui prend la forme d’un ballet, Room 104 se doit d’être vue.
Future Man - Hulu
Autre série d’Hulu lancée cette année, Future Man manque clairement d’ambition, mais reste néanmoins un bon moment de plaisir. Avec ses 13 épisodes de 25 minutes, la série fonctionne avant tout par sa manière de détourner des codes en reprenant les concepts de Terminator et Retour vers le futur - un jeune garçon adepte de jeux vidéo est embarqué par deux soldats du futur pour sauver l’humanité. Dès lors les scénaristes jouent ouvertement avec tout un panel de pop culture qui rend la série génialement ironique et pleine de second degré.
C’est plaisant le temps d’une saison, reste à voir si Future Man aura davantage à offrir.