"Pour une poignée de dollars" marque la première collaboration entre Sergio Leone et Clint Eastwood. L'acteur n'a pas hésité à se disputer avec le cinéaste pour lui imposer sa vision de "l'Homme sans nom" et donner naissance à un personnage culte.
Pour une poignée de dollars : le premier western spaghetti
Lassé de la série Rawhide, Clint Eastwood accepte un voyage en Europe pour tourner sous la direction d'un certain Sergio Leone, qui n'a alors réalisé que le péplum Le Colosse de Rhodes et dirigé la seconde équipe de Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich. Avec Pour une poignée de dollars, sorti en 1966 en France, le cinéaste s'essaie pour la première fois au western et entame une trilogie qui sera suivie d'Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand.
Trois films centrés sur un personnage énigmatique vêtu d'un poncho et mâchouillant des cigarillos. Incarné par Clint Eastwood, ce protagoniste taciturne offre ses services à deux bandes rivales s'affrontant pour contrôler la ville de San Miguel, située non loin de la frontière américano-mexicaine. Cet étranger aux motivations inconnues se révèle être un as de la gâchette et un manipulateur hors pair. Il n'a donc aucun mal à semer le trouble et à provoquer une guerre entre les deux clans.
Gian Maria Volontè et Marianne Koch complètent la distribution du film, dont le succès popularise l'expression sarcastique "western spaghetti", que détestait Sergio Leone. Remake de Yojimbo d'Akira Kurosawa, le long-métrage introduit par ailleurs un anti-héros culte qui en inspire beaucoup d'autres, du Snake Plissken interprété par Kurt Russell dans New York 1997 et Los Angeles 2013 au chasseur de primes Boba Fett dans la saga Star Wars.
Les apports majeurs de Clint Eastwood
Clint Eastwood n'hésite pas à convaincre Sergio Leone de transformer l'Homme sans nom. Le comédien propose notamment la tenue du personnage, mais aussi le fait de le voir très souvent avec un cigarillo au bec. Mais surtout, il réussit à persuader le cinéaste de réduire considérablement ses dialogues, ce qui n'est pas une mince affaire. L'acteur souhaite préserver le mystère autour du protagoniste et le rendre imperceptible. S'il se montre d'abord réticent, le réalisateur finit par céder.
Lors d'une interview accordée à Ric Gentry en 1980, Clint Eastwood explique que les dialogues originaux de Pour une poignée de dollars révélaient le passé du personnage. Il ajoute :
Je voulais le jouer avec une économie de dialogue et construire le personnage par l'attitude et les mouvements. Donc j'ai dit à Sergio : "Gardons le mystère autour du personnage et faisons simplement allusion à ce qui lui est arrivé dans le passé". On s'est disputés, même s'il était d'accord d'une certaine manière.
Si Sergio Leone accepte donc de suivre la vision de son comédien, les producteurs du film eux voient rouge. Clint Eastwood poursuit :
Ils ont dit : "Mon Dieu, ce type ne fait rien, il ne dit rien. Il n'a même pas de nom ! Et son cigare est juste là en train de brûler".
Ils constatent néanmoins que l'Homme sans nom séduit le public et devient une énorme source d'inspiration. Il permet enfin à son interprète d'entrer dans la légende. Par la suite, Clint Eastwood prête ses traits à plusieurs personnages similaires, dans Sierra Torride et Pale Rider, le cavalier solitaire, ainsi que dans L'Homme des hautes plaines.