« La Promesse » aborde un chapitre de l’histoire relativement méconnu et controversé : celle du génocide arménien (toujours non reconnu par la Turquie). Cette séance de rattrapage sera accessible à tous dès le 11 avril en Blu-ray et DVD.
Rares sont les œuvres cinématographiques dévoilant les atrocités qui se sont déroulées au sein de l’Empire Ottoman lors de la Première Guerre mondiale. Ce drame a pourtant entraîné la mort d’environ 1,5 millions d'arméniens pour une population estimée alors à 2 millions. Sur les doigts d’une main se comptent notamment America, America (1963) et, plus récemment, The Cut (2014) de Fatih Akin. Le parcours du dernier en date, La Promesse, d’une durée de 132 minutes, est plutôt atypique.
Une genèse hors du commun
Non, en dépit de son casting de célébrités et de son budget élevé à 90 millions de dollars, la réalisation de Terry George (Au nom du père) est bel et bien indépendante. Pour cause, son financement ne provient pas d’un studio majeur mais de Kirk Kerkorian. D’origines arméniennes, l’homme d’affaires a fait don d’un milliard de dollars à sa propre fondation afin de reconstruire l’Arménie du nord. Touchée par un tremblement de terre en 1988, les démolitions y furent multiples. En outre, cet argent a également été mis à profit de la création du long métrage. Grâce à ses actions, Kerkorian fut reconnu en 2000 par le magazine Times comme étant le dixième plus grand donateur des USA.
Ciblé par des détracteurs négationnistes avant même sa sortie aux USA, La Promesse a été assailli par des notes catastrophiques sur le site IMDb. Un nettoyage intensif fut donc lancé par les administrateurs. Sa sortie en salle a ensuite divisé l’audience, malgré le fait que l’effort de représenter cette extermination fut saluée. Des célébrités se sont aussi exprimées, à l’instar de Leonardo DiCaprio (The Revenant) qui « applaudit toute l’équipe » et ne tarit pas d’éloges à l’égard de la distribution. Les artistes Cher (Burlesque) et Elton John (Kingsman : Le Cercle d’or), ainsi que Sylvester Stallone (Les Gardiens de la Galaxie vol.2) n’ont pas manqué de partager leurs compliments.
La Promesse : mission réussie ?
Bien que le film ait pour ambition de faire entrer le génocide arménien dans la mémoire collective, celui-ci ne relève pas pour autant du documentaire à proprement parlé. Romancé, La Promesse met en avant un triangle amoureux composé de l’étudiant en médecine Mikael Boghosian (Oscar Isaac), d’Ana Khesarian (Charlotte Le Bon), et du reporter américain Chris Myers (Christian Bale). Clairement, il ne s’agit pas là d’une preuve d’originalité dans une œuvre basée sur un événement historique. Cette ficelle scénaristique a été de nombreuses fois utilisée, par exemple dans Titanic (1997) de James Cameron. Pourquoi réitérer ? Comment justifier ce choix ? Ce type de relation mêlant sentiments et drame permet de créer une fenêtre émotionnelle supplémentaire. Elle renforce le lien et l’identification des spectateurs aux personnages. Par conséquent, ils se sentent davantage concernés par les pertes humaines rencontrées par les héros. De son côté, Mikael permet tout autant d’explorer diverses situations (villes et paysages) que Rose et Jack de visiter le paquebot de fond en comble dans le but d’étudier le naufrage. Derrière la simplicité d’une romance se cache parfois une fonction pédagogique plus poussée.
Malgré tout, ce drame porte sur les persécutions menées par les turcs à l’encontre des arméniens. D’innombrables parallèles sont établis avec l’Holocauste de la Seconde Guerre mondiale en la présence de scènes dans un camp de travail, et une montrant un train bondé de prisonniers. Bien sûr, les exécutions sont de mises et mettront mal à l’aise, émouvront, une bonne part du public. Certaines critiques reprocheront l’omniprésence des moments « tirent larmes », en dépit d’une approche approfondie de l’aspect politique. Ce point de vue est parfaitement défendable, puisque les motivations des turcs à régler la Question Arménienne ne sont pas explicitées outre mesure. Dommage, car cela aurait permis une compréhension plus exhaustive du fléau. Pour résumer : les conséquences sont illustrées sans en connaître véritablement les facteurs.
Les performances sont quant à elles irréprochables, tous semblant avoir à cœur de donner le meilleur de soi-même. Rythmé, sans temps morts ni maladresses, La Promesse constitue un excellent hommage aux disparus, et met sous le feu des projecteurs une tragédie malheureusement peu maîtrisée.
France vs USA
Distribués par AB Vidéo, le DVD et le Blu-ray de cette fresque historique ne connaissent aucune édition spéciale ou exclusive. L’éditeur a opté pour une jaquette originale, et moins tape-à-l'œil que son homologue américain aux couleurs du drapeau arménien.
Test Vidéo/Audio
Filmé en numérique à l’aide d’une caméra Arri Alexa XT (3.4K) et d’une caméra Red Epic Dragon (5.5K), La Promesse bénéficie d’un transfert haute définition sans défaut. Bien que le mordu de technologie regrettera la commercialisation d’un disque 4K (et ce, à l’international), le Blu-ray standard n’a pas à rougir de gêne. L’image est riche de par ses textures, détails et de sa profondeur. Sa densité excelle dans des environnements complexes comme le camp de travail poussiéreux. La saturation est plus que correcte, permettant des couleurs naturelles mais aussi très chaudes lors de certaines scènes. Les noirs ne manquent pas d’aplomb, sans pour autant se boucher.
Quatre pistes audio sont mises à disposition : l’anglais en DTS-HD 5.1 ou DTS-HD 2.0, ainsi que les mêmes formats pour le doublage français. À noter que les sous-titres sont imposés lors du visionnage en langue originale. Un choix qui peut ne pas faire l’unanimité. Ceux prêtant une attention particulière au son seront déçus de l’absence de l’audio, dans la langue de Shakespeare, en DTS-HD 7.1, pourtant fourni sur la galette bleue américaine. En dehors de ce léger désagrément, les pistes font leur travail avec aisance et immergent le spectateur dans cette histoire vieille d’un siècle. Les dialogues sont clairs, et les basses s’en donnent à cœur joie lors des explosions et autres manifestations sonores.
Test Bonus
Le Blu-ray offre trois suppléments ponctués de nombreux extraits du film, ainsi que deux bandes-annonces identiques. Le curieux de service reprochera l’absence de making-of, voire même d’un documentaire sur le génocide arménien afin de combler les manques de La Promesse. Étant une production indépendante, cela n'est cependant pas étonnant.
- Une histoire d’amour (2:29 min) : le casting et Terry George reviennent sur le triangle amoureux formé par les protagonistes.
- La cause arménienne (3:13 min) : tandis que George confie avoir souhaité montrer à quel point des gens ordinaires peuvent se dépasser en cas de crise, Christian Bale indique qu’il ne faut jamais occulter ce drame.
- Survivre et témoigner (2:15 min) : discussion autour la structure du long métrage et sur les différents génocides.
- Bande-annonce version française (2:29 min) : en HD.
- Bande-annonce version originale sous-titrée français (2:29 min) : en HD.
À nouveau, le disque des States diffère puisqu’il propose deux bonus supplémentaires. Le premier est constitué de scènes coupées pour une durée de six minutes, et, le dernier, est un commentaire audio de Terry George accompagné du producteur Eric Esrailian. Les raisons derrière leur absence sont inconnues, mais peut-être s’agit-il d’un problème de droits. Too bad, car ils sont sans nul doute très intéressants.