Directement après son "Reservoir Dogs", Quentin Tarantino se met à son deuxième long-métrage, "Pulp Fiction". Pour ses personnages, il a des acteurs bien précis en tête. Mais Bruce Willis, superstar de l'époque et désirant à tout prix être dans "Pulp Fiction", va venir lui compliquer la tâche...
La sensation Quentin Tarantino
En 1994, Quentin Tarantino s'installe au panthéon des cinéastes américains avec son deuxième long-métrage, Pulp Fiction. Film de gangsters alors unique en son genre, drôle, violent, ultra-référencé, hommage à la culture populaire et objet d'un soin maniaque de la part de son auteur, Pulp Fiction obtient la Palme d'or au Festival de Cannes 1994, le Golden Globe, l'Oscar et le BAFTA du Meilleur scénario, entre autres nombreuses distinctions.
Si Quentin Tarantino est devenu si vite une légende du 7e art, il le doit à ce film, parfaite transformation de l'essai qu'était, deux ans plus tôt, son Reservoir Dogs. Celui-ci, déjà une histoire de gangsters en narration non-linéaire, a en effet idéalement préparé le terrain pour Pulp Fiction, attirant tous les regards d'Hollywood sur le réalisateur, âgé de 29 ans. Alors, quand Quentin Tarantino se met au développement de Pulp Fiction, nombreux sont les prétendants au casting. Dont une star à la popularité mondiale : Bruce Willis.
Pour interpréter le boxeur Butch Coolidge, Quentin Tarantino a un acteur bien en tête, puisqu'il a écrit le rôle pour lui. Il s'agit de Matt Dillon, et ça tombe bien puisqu'il est dans les acteurs "approuvés" par Miramax, qui vient de racheter les droits du film. Quentin Tarantino a tout loisir de constituer le casting qu'il veut, tant que s'y trouvent au moins un ou deux noms validés par la société de Bob et Harvey Weinstein.
La situation est donc a priori idéale, mais Matt Dillon hésite. Selon les propres termes de Tarantino face à Tom Segura, il ne comprend pas entièrement le personnage de Butch, et regarde plutôt vers celui de Vincent Vega, déjà attribué à John Travolta. Matt Dillon ne dit ni "oui" ni "non", mais demande un temps de réflexion. Un temps qui va finalement profiter à Bruce Willis.
Tout le monde veut jouer Vincent Vega
C'est lors d'un passage chez Harvey Keitel, alors à Los Angeles pour un tournage, que Quentin Tarantino rencontre pour la première fois Bruce Willis.
Il se révèle être un immense fan de "Reservoir Dogs" (...) Je pense que c'était ce genre de situation, Harvey a dit à Bruce que mon nouveau scénario circulait à Hollywood, et que je passerai chez lui et donc que s'il voulait le lire et me rencontrer, ce serait le bon moment... Ce que Bruce a fait, puisqu'au moment de notre rencontre, il avait déjà lu le scénario de "Pulp Fiction" !
Bref, à un moment il me prend à part, me dit qu'il veut me présenter à Demi (Moore, ndlr), et donc on marche sur la plage, depuis la maison d'Harvey vers la sienne. "Je veux jouer Vincent !" Je lui réponds que c'est déjà pour John Travolta. On en parle, mais il n'insiste pas, il dit que c'est plutôt un bon choix, etc. En réalité, c'est son agent qui par ailleurs m'a mis la pression. Il m'a dit : "Quentin, est-ce que tu réalises que, quand ton film sortira, le dernier film à date avec Bruce Willis aura été un très grand succès, alors que John Travolta aura fait lui "Allô maman, c'est Noël" ?" (rires)
Une dernière phase de négociation compliquée
Bref, Bruce Willis me demande alors s'il ne peut pas jouer Jules... Et c'est là que ça devient difficile. Parce que j'ai déjà dit non pour Vincent, et là je dois lui redire non. Alors qu'on a besoin d'une star comme Bruce dans le film ! Mais, tout simplement, ça ne va pas. Bruce en Jules, ça ne va juste pas. Je lui dis cependant que je vais y réfléchir, mais rien n'y fait, ça ne peut pas marcher. Alors je lui dis, le lendemain : "le rôle qui te conviendrait parfaitement, c'est celui de Butch. Relis juste une dernière fois le scénario en t'imaginant dans ce rôle". "Ok, je vais faire ça, ce soir". Le lendemain, je l'appelle, et il me dit : "Quentin, la phrase la plus courte dans la Bible est : "Jesus a pleuré". À Hollywood, la phrase la plus courte est : "I'm in". Et "I'm in."
L'anecdote est belle, et la suite l'est aussi. Bruce Willis réduit considérablement ses prétentions salariales contre un intéressement aux recettes du film. Sur un budget de 8 millions de dollars, Pulp Fiction en rapporte 214 millions au box-office mondial. Les critiques concernant sa performance sont élogieuses, et celle-ci offre à Bruce Willis un regain de popularité et un nouveau regard de l'industrie sur son registre d'acteur.