On aurait évidemment aimé voir un James Bond réalisé par Quentin Tarantino. Pierce Brosnan, qui a dignement tenu le rôle le temps de quatre films, raconte que le cinéaste l'a rencontré pour lui parler de son envie et de ses idées pour un James Bond, en ayant vraisemblablement recours à la ruse.
Dimanche 19 avril, le magazine Esquire a organisé une diffusion en ligne de Goldeneye avec Pierce Brosnan aux commentaires, en direct. Confiné dans un endroit ensoleillé et a priori luxuriant - serait-ce la Jamaïque ? -, l'acteur s'est donc exprimé pendant plus de deux heures sur le film, répondant aux questions des spectateurs et dévoilant des éléments de fabrication de Goldeneye, ainsi que quelques anecdotes, dont une qui vaut son pesant d'or (à voir ci-dessous, à 54'40).
"Je vais prendre un autre martini"
En effet, Pierce Brosnan raconte qu'aux débuts des années 2000 Quentin Tarantino l'a invité à se rencontrer, et s'est montré particulièrement insistant sur son envie de réaliser un film James Bond, avec lui bien entendu. Mais le cinéaste ne s'est pas seulement montré insistant, il semble aussi avoir utilisé un certain stratagème pour tenter de parvenir à ses fins. Pierce Brosnan raconte l'épisode avec une classe et un humour tout à fait british, pour ne pas dire bondish.
C'était après Kill Bill Vol.2, il voulait me rencontrer, alors je me rends à Hollywood, où on doit se voir à l'hôtel Four Seasons. J'arrive à 19h, j'aime être ponctuel. 19h15, pas de Quentin, il est à l'étage avec la presse. On m'apporte un martini, donc je bois le martini. J'attends jusqu'à 19h30, et je me demande ce qu'il peut bien faire. Quelqu'un vient m'annoncer qu'il s'excuse du retard. Je me dis "ok", je vais prendre un autre Martini.
Finalement, quand Quentin Tarantino arrive, Pierce Brosnan est déjà un peu ivre, et ils poursuivent tous les deux à l'initiative du réalisateur sur des martinis aux pommes, pour finir tous les deux bien alcoolisés.
Quentin tapait du poing sur la table, me disait que j'étais le meilleur James Bond, "je veux faire un James Bond avec toi", je lui disais "Quentin, calme-toi s'il te plaît", mais on ne dit pas à Quentin Tarantino de se calmer. Bref, il voulait faire James Bond, donc j'en ai parlé aux producteurs mais ça ne pouvait pas se faire. Pas de Quentin Tarantino pour James Bond. C'est très dommage.
Il continue en disant que cela aurait été certainement un "bon James Bond à regarder", et qu'il aurait pu y avoir l'humour qui selon lui manque dans la franchise depuis le reprise du rôle par Daniel Craig. Mais ce qui est intéressant dans cette anecdote, c'est son timing. En effet, avec Meurs un autre jour sorti en 2002, Pierce Brosnan est allé au bout de son contrat de quatre films, et si on ne connaît pas encore son remplaçant, il est alors quasiment acquis qu'il ne signera pas un nouveau contrat. Et Quentin Tarantino, même s'il n'a pas accès aux secrets de la famille Broccoli qui gère la franchise 007, ne peut alors pas complètement ignorer que la franchise est en réinvention. Il ne pouvait ainsi que difficilement concevoir réaliser un James Bond, et d'autant plus avec Pierce Brosnan. Dans tous les cas, il y a fort à parier que le "retard" du cinéaste et les martinis qui apparaissaient faisaient partie d'un plan de Quentin Tarantino pour mettre Pierce Brosnan le plus à l'aise possible, et le convaincre d'au moins faire passer le message.
On prend en tout cas du plaisir à imaginer la scène entre celui qui s'est révélé avec l'excellent Goldeneye et le cinéaste à la gestuelle et au débit de paroles fantasques, livrant un dialogue entrecoupé de nombreux martinis dans un hôtel mythique d'Hollywood sur un hypothétique projet 007. Une mise en scène parfaitement "tarantinienne".