Rencontre avec Albert Dupontel : enfermez-vous dedans !

C'est un Albert Dupontel fatigué - que dis-je, exténué qui a bien voulu me recevoir dans un des salons pas très bien éclairés de l'hôtel Coste K de Paris. Quelques minutes (heures ?) de retard, des nuits de sommeil en mois, des kilomètres de cernes sous les yeux, meurtri par la récente mort du cascadeur l'ayant coaché sur le tournage, Albert Dupontel revient pour nous sur son dernier film, Enfermés dehors...

=> Voir en vidéo notre interview d'Albert Dupontel & Claude Perron !

Difficile donc de le faire rire, malgré maints efforts répétés et question décalées ("quel goût ça a le T-Pex ?")… Une fatigue qui ne l'empêche pourtant pas d'être passionné… et passionnant. Rencontre avec un cinéaste-acteur-scénariste engagé, simple et modeste, qui nous prouve une nouvelle fois son immense talent avec ce "cartoon social" qui ne peut que nous rappeler les plus grands : Charlie Chaplin, et Buster Keaton. De l'autre côté, Claude Perron, sa compagne, reste fraîche, drôle, souriante et spontanée… Elle nous raconte le tournage, ce qu'elle préfère chez Albert Dupontel, le réalisateur, l'acteur… et l'homme. " On a toujours voulu rapproché les films d'Albert à un genre, trash, décalé ou je ne sais quoi. Maintenant, ce n'est plus possible : Albert a son propre genre de cinéma."

Lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de la rumeur qui voudrait que 2006 soit "l'année Dupontel", le concerné répond tout de go " qu'on raconte des conneries ". Poème engagé, déjanté et complètement loufoque, Enfermés dehors passe au vitriol une société qui se tire une balle dans le pied… et son créateur ne garde pas sa langue dans sa poche. " Ceux qui n'en ont rien à foutre d'en avoir rien à foutre ? Il paraîtrait qu'ils nous gouvernent…"

Enfant speed et turbulent " comme vous pouvez encore le voir dans le film ", jamais fasciné par les uniformes, il croit toujours aux contes de fées, " là où tout va être possible… et où tout est possible ". Dans Bernie, il mangeait les oiseaux, dans Le createur, il jetait un chat par la fenêtre, ici il dégomme un pigeon - pas parce qu'il n'aime pas les animaux mais parce qu'il adore les gags animaliers ! Sa définition de l'amour, les bébés Coquelicot, les cascades, qu'il a toutes effectuées " non par fierté virile mais par confort de réalisation " le tout sans beaucoup de bobos, la chose la plus folle qu'il ait faite par amour…

S'il a mis cinq ans pour faire Enfermés dehors, c'est parce qu'il s'est pris " à écouter des sirènes flatteuses qui venaient d'Hollywood et du cinéma indépendant américain… Je suis un mec vaniteux, j'étais flatté de leur intérêt - mais leur mode de fonctionnement est très castrateur et j'ai perdu du temps là-bas. Et de retour en France, mes mécènes de Canal + n'étaient plus là… J'ai dû reformer un petit groupe qui avait confiance en moi "… Et pour le prochain ? " Ca va dépendre du 5 avril mais honnêtement je ne pense pas que ce sera aussi long, non…" Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle.

Propos recueillis par Aurélie Maulard (Paris, mars 2006)