Ce soir, France 5 rend hommage à Émilie Dequenne, disparue le 16 mars dernier à l’âge de 43 ans des suites d’un cancer. Un hommage bouleversant, avec la diffusion de "Rosetta", le film qui l’a révélée en 1999 et qui lui a valu une Palme d’or d’interprétation féminine à seulement 17 ans. Un rôle marquant, intense, qui a façonné la suite de sa carrière et qui reste, encore aujourd’hui, une référence du cinéma social européen.
Rosetta, un choc et une révélation
En 1999, Rosetta marque un tournant dans le cinéma des frères Dardenne, déjà remarqués avec La Promesse trois ans plus tôt. Le film suit une adolescente de 17 ans en lutte constante pour survivre et trouver un emploi stable, dans une société qui l’ignore. Une caméra nerveuse, une mise en scène au plus près du corps et du souffle de son héroïne : Rosetta est une immersion brutale et sans concession dans la précarité.
Au cœur de ce choc cinématographique, Émilie Dequenne, une inconnue repérée lors d’un casting sauvage par les Dardenne. Agée de 17 ans lors du tournage, elle porte littéralement le film sur ses épaules, habitant son rôle avec une intensité bouleversante. Son regard, son corps tendu par la rage et la détresse, son énergie brute, tout en elle semble fusionner avec Rosetta. C’est un rôle qui lui demande une implication physique totale, au point que Jean-Pierre Dardenne confiera plus tard : "Elle ne jouait pas Rosetta, elle était Rosetta."
Cette performance hors norme lui vaut, à la surprise générale, le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes (en plus de la Palme d'Or pour les Dardenne). Un moment d’émotion pure : la jeune actrice fond en larmes sur scène, bouleversée par cette reconnaissance soudaine. C’est la consécration immédiate, le début d’une carrière qui ne cessera de prouver son talent.
Une carrière marquée par l'excellence
Si Rosetta reste un tournant, Émilie Dequenne ne s’est jamais enfermée dans ce rôle. Elle a construit une filmographie riche, alternant cinéma d’auteur et films plus grand public. On la retrouve chez André Téchiné (La Fille du RER), Joachim Lafosse (À perdre la raison), ou encore Lucas Belvaux (Pas son genre). À chaque fois, sa sincérité et son intensité de jeu impressionnent.
Sa performance dans À perdre la raison lui vaut le Prix d’interprétation à Un Certain Regard à Cannes en 2012 et un Magritte de la meilleure actrice. Avec Pas son genre, elle décroche le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2015, prouvant encore une fois qu’elle était l’une des comédiennes les plus talentueuses de sa génération.
Jusqu’au bout, Émilie Dequenne a incarné un cinéma d’émotion et d’engagement, choisissant des rôles puissants, souvent féminins, toujours profonds.
Un hommage poignant
La diffusion de Rosetta ce soir prend une résonance particulière. Ce film, qui a lancé Émilie Dequenne sous les projecteurs, est aussi celui qui résume le mieux son talent brut, son instinct, son engagement total dans le jeu. À 17 ans, elle bouleversait déjà le cinéma. À 43 ans, elle nous laisse une filmographie marquante et un héritage immense.
Un dernier regard sur Rosetta, une dernière ovation pour une actrice qui nous aura tant donné.