"Saint Amour" de Benoît Delépine et Gustave Kervern fut un tournage mouvementé à l'image de ses deux acteurs principaux, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde.
Joli succès pour Delépine et Kervern
Pour leur septième réalisation sortie en 2016, le duo Benoît Delépine et Gustave Kervern réunit pour la première fois à l'écran deux monstres du cinéma français : Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde. Saint Amour raconte l'histoire de Bruno, incarné par Poelvoorde, noyant son mal-être dans l'alcool à travers une route des vins. Alors que son père Jean, joué par Depardieu, souhaite qu'il reprenne l'exploitation familiale, ce dernier va l'accompagner dans cette tournée à travers la France et ainsi se rapprocher de lui, accompagné de Mike, un chauffeur de taxi, interprété par Vincent Lacoste.
Saint Amour est à ce jour le deuxième plus gros succès du duo Delépine-Kervern avec plus de 550.000 entrées (juste derrière Mammuth et ses 800.000 entrées en 2010). Le film a également été bien accueilli dans l'ensemble par la critique. L'Express évoque "une déclaration enflammée pleine de poésie". Le Figaroscope parle d'un "road-movie décalé, épique et souvent désopilant". Et Ecran Large d'une "odyssée intime et fantasque".
Cependant, Libération se montre beaucoup plus réticent. Le journal comparant le film à une "petite cuisine, qui ne tient pas debout et s’en félicite, ne repose plus sur rien". Tout comme Le Monde pour qui "le film n'a pas su transsubstantier en œuvre la virée pittoresque qu'a dû être son tournage".
La première réunion de Depardieu et Poelvoorde au cinéma
« On ne pourrait pas faire un film, je pense, dans un décor unique en studio. On aime bien aller à la rencontre des gens dans la vraie vie. Et au cinéma c’est pareil » expliquait Gustave Kervern au Journal du Dimanche à la sortie du film. A la genèse du projet donc, Delépine et Kervern voulaient faire un film entièrement tourné au Salon de l'agriculture avec les comédiens Jean-Roger Milo et Grégory Gadebois.
L'organisation du Salon de l'agriculture ayant refusé le projet, le duo de réalisateurs imagine alors une vraie tournée des vignobles français avec Depardieu et Poelvoorde. Pour le rôle du chauffeur du taxi, ils avaient d'abord pensé à Michel Houellebecq (à qui ils avaient donné le rôle principal de leur précédente réalisation Near Death Experience en 2014) mais Delépine et Kervern ont eu peur de courir à la catastrophe en réunissant ce trio tout un film. Houellebecq fait tout de même un caméo hilarant dans le film en tant que propriétaire d'une maison d'hôte.
Même si le Salon de l'agriculture a refusé que le film soit entièrement tourné chez eux, quelques séquences de Saint Amour y ont été tournées. En tant qu'acteurs extrêmement populaires, Depardieu et Poelvoorde devaient apparaître à la dernière minute pour tourner au sein même du Salon car ils étaient très vite reconnus. Le tournage de ces scènes fut compliqué d'après Gustave Kervern, toujours dans le Journal du Dimanche :
On les cachait derrière un pilier et on les lançait dans la foule comme dans la fosse aux lions. Il y avait deux caméras. On faisait une prise et les gens les reconnaissaient tout de suite. Ils sortaient leurs téléphones portables : c'était les flashs, les selfies, une émeute. On les recachait et on recommençait.
Benoît Poelvoorde en roue libre sur le tournage
Durant le tournage de ces séquences au Salon de l'agriculture, Poelvoorde ne jouait pas les scènes à moitié. Et il n'hésitait pas à boire du vrai vin. De moins en moins concentré au fil de la journée, Gustave Kervern (qui jouait à ses côtés) allait même jusqu'à lui chuchoter les dialogues sur le plateau de peur qu'il n'y arrive pas. Cette ambiance de folie qui régnait durant le tournage était parfois difficilement contrôlable. Gustave Kervern le racontait à France Inter en 2015 :
Quand on a tourné la scène de la chambre d’hôtes, avec Michel Houellebecq, c’était chez un voisin de Benoît Delépine, près d’Angoulême. On n’avait pas touché au décor : quand il est bien, on ne change rien. Poelvoorde arrive, va directement vers une sorte de buffet, voit une petite fiole de calvados, posée sur deux roues comme un canon. Il boit ça direct. Le proprio arrive, furieux : c’était un cadeau de mariage, auquel il n’avait pas touché depuis dix ans. Il voulait nous virer du décor. Benoît a été obligé de s’excuser, de lui racheter une bouteille. Ça a duré des heures ! Et c’était tout le temps comme ça. À la limite Vincent Lacoste était le plus adulte du plateau !