L’année 2014 voit émerger deux biopics français, tous deux sur la même personnalité : le célèbre styliste Yves Saint Laurent. Naturellement sujets aux comparaisons, la rivalité s’est pourtant installée dès la phase de production, avec certaines complications…
Le problème Bergé
En 2014, deux biopics sur le célèbre styliste français ont fait leur apparition : Saint Laurent de Bertrand Bonello et Yves Saint Laurent de Jalil Lespert. Tous deux évoquent la vie de l'artiste de haute couture. Le premier, porté par Gaspard Ulliel, montrant les excès d'une vie, le second, avec Pierre Niney, dépeignant la décennie entre 1967 et 1976...
Naturellement sujets aux comparaisons, la rivalité s’est pourtant installée dès la phase de production, avec certaines complications…
En effet, les deux films ont connu leur premier heurt par la main de Pierre Bergé, l’ancien compagnon du styliste français. Tandis que celui de Lespert recevait son aval, celui de Bonello en était privé… Cette infortune a causé différents contretemps, de la recherche de financements jusqu’à la réalisation du film.
Dès la phase de production, Pierre Bergé s’est fermement opposé au tournage de Saint Laurent en tentant d’empêcher sa concrétisation. Bien qu’il n’ait pas émis d’explications, il a toujours évoqué son fort intérêt pour le film de Lespert et notamment pour son acteur principal. Il rappelle dans une émission d’Europe 1 son émoi devant l’interprétation de Pierre Niney, incarnant Yves Saint Laurent :
Quand j’ai vu pour la première fois les rushs de ce film, les passages de Pierre Niney, j’ai été très bouleversé. Parce que là, vraiment, j’avais l’impression de revoir Yves vivant.
L’(in)égalité des chances
Cette préférence a également causé des torts lors de la mise en place du film de Bonello. Tandis que l’équipe rivale disposait des véritables appartements du styliste, l’équipe de Saint Laurent a dû tourner dans des décors reconstitués. Dans le dossier de presse, le réalisateur explique l’ampleur de la tâche :
Nous avons loué un immense hôtel particulier que nous avons utilisé comme studio pour presque toutes les scènes sauf celles de défilés et de boîtes de nuit : la rue Spontini, Babylone, les ateliers, Libération, la chambre de Proust…
La cheffe décoratrice Katia Wyszkop a dû ainsi reconstituer une vingtaine de décors, comprenant chacun de multiples œuvres d’art. Cependant, si cette partie était déjà un challenge, la constitution des costumes l’était plus encore. N’ayant pas accès aux collections de la fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, la cheffe costumière Anaïs Romand a dû assembler les pièces éparpillées du puzzle :
Le plus difficile techniquement a été de devoir fabriquer deux collections de haute couture mythiques d’YSL à partir de rien ou presque, sans avoir accès aux archives et robes authentiques de la fondation Bergé Saint Laurent. (...) Ça a été un véritable travail de fourmi que de décrypter la documentation pour trouver les bons volumes, les bonnes matières, les couleurs les plus justes et ne pas trahir l’esprit d’YSL, tenter de porter à l’image la nouveauté, la fraîcheur et la somptuosité de ces collections, et pour ça le cinéma aide beaucoup !
Même si l’équipe de Lespert pouvait accéder aux collections, il leur était strictement interdit de réaliser des copies. Le prêt des pièces originales avait un inconvénient de taille : une durée de port de deux heures maximum… Avantage donné à la reconstitution en termes de praticité !
Une rivalité qui finit bien
Bien que Saint Laurent ait pris quelques mois de retard sur la sortie de Yves Saint Laurent, les deux films ont connu un succès équivalent. Tous deux nommés dans plusieurs festivals, Pierre Niney obtient le César du Meilleur acteur tandis que Gaspard Ulliel est récompensé au même titre par les Lumières de la presse étrangère. Saint Laurent se voit aussi attribuer le prix des meilleurs costumes et du meilleur second rôle pour Jérémie Renier (interprétant Pierre Bergé).
Le film de Bonello est ainsi sorti sans encombres. Lors du festival de Cannes, nous avons pu voir un réalisateur parfaitement satisfait et sans ressentiment :