Le film Saint Omer d'Alice Diop est diffusé ce soir sur Arte. Découvrez le fait divers sordide derrière le long-métrage : l'affaire de Fabienne Kabou, qui a abandonné sa fille de 15 mois sur une plage à Berck en 2013.
Saint Omer : du fait divers tragique au film
Le film Saint Omer d'Alice Diop, sorti en 2022, s'inspire directement d'un fait divers tragique ayant défrayé la chronique en France en 2013 : l'affaire Fabienne Kabou. Ce drame a captivé l'attention publique et soulevé des questions profondes sur la maternité, la santé mentale, et la responsabilité juridique.
Le film, tout comme l'affaire qui l'a inspiré, met en lumière la complexité des émotions et des motivations derrière un crime aussi troublant que l'infanticide. Lors de la Mostra de Venise 2022, le long-métrage d'Alice Diop (son premier en tant que fiction) a remporté le Lion d'Argent. Il a également remporté le César du meilleur premier film.
D'une manière quasi documentaire, Alice Diop nous fait entrer dans ce procès à travers le regard d'une romancière nommée Rama (Kayije Kagame) qui assiste au procès de Laurence Coly (Guslagie Malanda), accusée d'avoir tué sa fille de 15 mois. Au fil des témoignages, les certitudes de Rama vascillent.
L'Affaire Fabienne Kabou
L'affaire Fabienne Kabou est celle d'une femme originaire du Sénégal, intellectuelle brillante, condamnée pour avoir tué sa fille de 15 mois, Adélaïde, en l'abandonnant sur une plage de Berck-sur-Mer, en novembre 2013. L'enfant, laissée seule sur la plage à marée montante, a été retrouvée noyée le lendemain matin par un pêcheur de crevettes. Ce crime a profondément choqué l'opinion publique, non seulement à cause de la brutalité des faits, mais aussi du mystère entourant les motivations de la mère.
Lors de son arrestation, Fabienne Kabou a immédiatement reconnu les faits, en affirmant qu'elle avait été sous l'influence de forces occultes et de sorcellerie. Pourtant, l'enquête a révélé qu'elle avait soigneusement planifié son acte, en consultant notamment les horaires des marées et des trains pour se rendre à Berck. Le procès a mis en lumière une personnalité complexe et troublée, oscillant entre un intellect supérieur (un QI de 135) et des croyances mystiques profondes. Elle a expliqué que des forces obscures avaient pris le contrôle de ses actions, l'amenant à assassiner sa propre fille.
Fabienne Kabou a été condamnée en 2016 à 20 ans de réclusion criminelle pour ce meurtre. Cependant, lors de son procès en appel en 2017, sa peine a été réduite à 15 ans de prison. La cour d'assises du Nord a retenu l'altération de son discernement au moment des faits, en raison de troubles psychiatriques, mais a confirmé qu'elle était tout de même responsable de ses actes.
Ce procès a soulevé de nombreuses questions sur le degré de responsabilité de Fabienne Kabou, mais aussi sur les pressions culturelles et personnelles qui pèsent sur les femmes, en particulier les mères. Sa défense, notamment, a plaidé qu'elle était en proie à des délires mystiques qui l'ont poussée à commettre l'irréparable.
Une affaire qui a profondément marqué Alice Diop
Alice Diop a été profondément marquée par cette affaire, et a suivi une partie du procès. Son film s'attache moins à reconstituer minutieusement les faits qu'à explorer les dilemmes moraux et psychologiques qu'une telle tragédie peut soulever.
Dans Saint Omer, Alice Diop réussit à dépeindre une société face à une mère qui a commis l'impensable, et invite les spectateurs à une réflexion sur les concepts de culpabilité, de jugement et d'empathie. Loin de condamner, le film cherche à comprendre l'incompréhensible, en mettant en lumière des thèmes universels tels que la pression parentale, l'exclusion sociale, et les croyances personnelles.