Avec "Scarface" Al Pacino est devenu une icône de la culture pop et son personnage de Tony Montana une référence pour les gangsters. Sorti en 1983, le film de Brian De Palma aurait pu être classé "X" et être quasiment enterré par la Motion Picture Association of America.
Le grand film noir de Brian De Palma
Scarface est probablement devenu un des films les plus populaires de Brian De Palma. Pas forcément dès sa sortie (même s'il a rapporté plus de 60 millions de dollars au box-office mondial), mais avec le temps le long-métrage est devenu une référence, notamment pour les gangsters qui ont idolâtré Tony Montana. Dans le film, il est un petit truand cubain immigré aux Etats-Unis dans les années 1980. Rapidement, il gravit les échelons de la criminalité, prend la place des trafiquants au-dessus de lui avant de se brûler les ailes une fois au sommet. Scarface est un long-métrage qui touche à l'excellence, de par ses thèmes abordés, la mise en scène de Brian De Palma, sa bande-originale géniale et la prestation mémorable d'Al Pacino.
Pour attester de l'influence directe de Scarface, le réalisateur racontait qu'au moment du tournage les rues de Miami étaient surtout composées de "petits vieux", mais qu'après la sortie il se retrouva dans une discothèque façon Babylon Club, avec "des saladiers pleins de cocaïne et des gangsters dans tous les coins". Heureusement pour le cinéaste, il n'y a pas que des trafiquants qui ont apprécié son film. Du moins, après coup. Car si à sa sortie la presse a été plutôt négative, notamment à cause de la violence, par la suite ces mêmes critiques se sont ravisées et Scarface a obtenu le statut qu'il mérite ; une œuvre culte, véritable référence de la pop culture.
De la censure pour Scarface ?
Pour autant, la visibilité du film (et donc son succès) aurait pu être fortement compromise s'il avait eu une autre classification. À l'époque, les scènes de violence, de fusillades, de drogues et les injures ont valu au film un Rated R, ce qui aux Etats-Unis équivaut à une interdiction pour les mineurs de moins de 17 ans non-accompagnés par un adulte. Mais avant d'en arriver là, Brian De Palma a dû batailler pour que la Motion Picture Association of America ne colle pas un X à Scarface, ce qui signifiait une interdiction pour les moins de 17 ans même en étant accompagnés d'un adulte. Précisons qu'à partir des années 1990 la dénomination a changé pour NC-17. Si la différence entre Rated R et NC-17 peut, in fine, sembler minime, elle peut provoquer en réalité une différence de plusieurs dizaines de millions de dollars au box-office.
On comprend donc que Brian De Palma ait voulu éviter cela. Néanmoins, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, pour atteindre le Rated R, il n'a pas eu à couper grand chose. Bien au contraire.
Dans Brian de palma : Entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud, le cinéaste donne sa version :
J'ai présenté une première fois Scarface à la MPAA. Ils m'ont dit : "On va vous donner un X". J'ai fait quelques coupes et suis retourné les voir. Rien à faire : "On va toujours vous donner un X". J'ai coupé encore plus d'images et leur ai soumis le film une troisième fois. À nouveau : "On va vous donner un X".
On se dit que Brian De Palma ne pouvait plus faire grand chose à part changer totalement son film. D'autant qu'il n'étais pas vraiment aidé dans sa démarche par Universal.
Le studio n'a rien fait pour me soutenir, ce qu'il voulait c'est sortir le film, quelle qu'en soit la version.
De Palma a alors tout essayé. Il a d'abord fait appel à cette décision et a commencé à s'exprimer auprès des médias, protestant contre la censure.
J'ai appelé de très nombreux critiques, parmi les plus influents, pour leur expliquer ce qu'on était en train de faire à mon film. Je suis ensuite retourné devant la commission avec la première version du film. Quitte à avoir un X, autant l'avoir pour le film que j'avais voulu faire et non une version tronquée.
Un pari qui s'est avéré payant pour le cinéaste. La MPAA a finalement changé d'avis et a accordé à Scarface un "R". Une véritable victoire pour Brian De Palma qui peut donc affirmer que rien ne manque dans la version qui est sortie - tandis que le studio aurait préféré sa troisième version. Et contrairement à ce qui avait pu être écrit à l'époque, le réalisateur n'a jamais filmé des scènes vraiment choquantes, comme un soi-disant plan d'une tronçonneuse en train de couper un bras qui aurait été coupé au montage. Certes la violence est présente, mais dans le cas de cette fameuse scène de tronçonneuse, le cinéaste laisse le spectateur imaginer ce qu'il se passe. Ce qu'on voit, c'est surtout Al Pacino obligé de regarder l'horreur. Après quoi, notre imagination fait le reste.