"Plus mauvais film jamais montré" : détruit à sa sortie, ce film sulfureux devenu culte est à revoir gratuitement

"Plus mauvais film jamais montré" : détruit à sa sortie, ce film sulfureux devenu culte est à revoir gratuitement

Considéré comme un des pires films de tous les temps à sa sortie en 1995, "Showgirls" a détruit la carrière de son actrice et presque celle de Paul Verhoeven. Mais il a complètement retourné la critique en 20 ans, pour devenir un grand film culte des années 90. Il est à revoir gratuitement sur France TV.

Showgirls, le film revenu des enfers

Plus le temps passe, et plus la filmographie de Paul Verhoeven gagne en prestige. Le réalisateur néerlandais, réputé pour son style provocateur et le traitement sulfureux de thématiques récurrentes comme la violence, la sexualité et la religion, a en effet un rapport à la critique compliquée. Plusieurs de ses films ont, à leur sortie dans les salles, généré une réception négatives, virulente et parfois violente, avant que cell-ci n'évolue au fil du temps. Trois films consécutifs en témoignent : Basic Instinct, Showgirls et Starship Troopers. Et tout particulièrement Showgirls, sorti en 1995.

Nomi Malone (Elizabeth Berkley) - Showgirls
Nomi Malone (Elizabeth Berkley) - Showgirls ©AMLF

Une ravissante jeune fille au look sexy, Nomi, se rend à Las Vegas afin de devenir danseuse. Ses débuts fulgurants dans une boîte de strip-tease lui ouvrent la porte des grands shows, la plongeant dans un monde cruel et sans pitié où ambition et jalousie sont les règles du jeu...

Détesté à sa sortie...

Lors de sa sortie, Showgirls est jugé vulgaire, outrancier, et complaisant avec l'univers qu'il explore. L'ambiguïté morale qu'utilise toujours à fond Paul Verhoeven jette un trouble déplaisant. Satire contemporaine d'avant-garde ou film vide, exhibitionniste et voyeur ? Aux États-Unis comme ailleurs, la critique prend parti pour la seconde option. Todd McCarthy écrivait ainsi pour Variety :

La seule chose positive qu'il y a à dire à propos de "Showgirls" est que sa sensibilité correspond parfaitement à celle du milieu qu'il décrit. Incroyablement obscène et grossier.

Le film de Paul Verhoeven fait l'unanimité contre lui, et il obtient entre autres aux Razzie Awards de 1996, où il est nommé treize fois, les prix du "pire film", "pire réalisateur", "pire scénario", pire actrice". En France, Le Monde jugeait ainsi lors de la sortie de Showgirls que "le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide."

Paul Verhoeven, habitué à diviser la critique, racontait en 2016 aux Inrockuptibles que la violence de la réception l'avait néanmoins étonné.

Les critiques n’étaient pas seulement négatives. C’était une flambée d’agressivité et de haine. On en parlait comme du plus mauvais film jamais montré. Beaucoup étaient choqués par la nudité, trouvaient la façon de l’exhiber indécente, obscène. (...) Évidemment, je savais que le film était féroce, dérangeant, antipathique. Je ne peux pas dire que j’étais entièrement surpris. Mais la violence des réactions a dépassé toutes mes attentes.

Et adoré 20 ans plus tard

Critiqué et méprisé, Showgirls est un échec commercial en salles, avec des recettes mondiales inférieures (38 millions de dollars) à son budget de production (45). L'année suivante, la sortie elle aussi controversée de Starship Troopers consacre Paul Verhoeven comme cinéaste le plus clivant du moment en même temps qu'elle envoie Showgirls dans l'oubli collectif. Victime collatérale de cet échec : l'actrice principale du film Elizabeth Berkley, à qui l'industrie tourne le dos.

Mais 21 ans plus tard, en 2016, quand Showgirls ressort au cinéma et alors que Paul Verhoeven présente cette même année son très grand thriller Elle, les critiques actent la fin d'un virage progressif à 180°. Autrefois détesté, le film qui a tué la carrière américaine de Paul Verhoeven est ainsi revu et acclamé, ayant passé avec le temps du statut de navet à celui de géniale satire politique d'Hollywood.

Jean-Marc Rauger revient ainsi pour Première ses mots de 1995 écrits  dans Le Monde.

Oui, Verhoeven dépeint le vide de Las Vegas, et j'avais le sentiment qu’il n'y avait que du vide à l’écran. Or, le film n'est pas vide du tout… (...) Ce n'est que justice. Quand on regarde les grands films de l'histoire du cinéma, on voit que très peu ont été compris en leur temps. L’art est toujours en avance.

Pour ses 20 ans, Vanity Fair avait de son côté consacré un long article de réhabilitation à Showgirls, considéré comme un "classique" culte des années 90 aux côtés de Leaving Las Vegas et Casino.