Grand film de guerre mêlé de romance, "Stalingrad" de Jean-Jacques Annaud avait été hué et rejeté en bloc par le public allemand lors de sa présentation à la Berlinale en 2001. Il est à (re)voir ce soir du 3 octobre sur 6ter.
Deux snipers et trois amoureux
Jean-Jacques Annaud ne pensait sûrement pas que son Stalingrad, à l'époque film de guerre au budget record pour une production européenne, s'attirerait autant les foudres du public allemand. Sorti en 2001, il est d'abord montré en ouverture de la 51e Berlinale le 7 février, et cette avant-première mondiale ne va pas vraiment bien se passer.
Pourtant, avec ses 68 millions de budget bien utilisés à l'écran - les séquences de combats et la reconstitution de la ville assiégée par les nazis sont des modèles du genre - et son casting très séduisant, tout semblait aligné pour que le film rencontre le succès. Jude Law y incarne Vassili Zaïtsev, jeune tireur d'élite soviétique, "héros" de la lutte soviétique et figure de la propagande orchestrée par son ami Danilov, commissaire politique joué par Joseph Fiennes. Durant le siège de Stalingrad, il va se distinguer par ses actions héroïques et affronter son homologue allemand, un légendaire sniper nommé Erwin König (Ed Harris), en même temps qu'un triangle amoureux va s'établir entre Danilov, la jeune milicienne Tania (Rachel Weisz) et lui.
Loué pour sa représentation de la guerre, Stalingrad se fait en revanche étriller sur son scénario et sur son histoire d'amour, qui apparaît à beaucoup de spectateurs et de critiques comme totalement hors de propos. Au titre de la dramatisation nécessaire à la fiction, le public pardonne les nombreuses inexactitudes historiques. En revanche, l'abondance de clichés ne passe pas.
Un happy end qui pose problème
Comme le rapportait le 8 février 2001 le vénérable Der Spiegel, l'accueil réservé à Stalingrad a ainsi été glacial.
"Non seulement le défilé de célébrités a été un fiasco, mais le drame de guerre "Stalingrad" du réalisateur français Jean-Jacques Annaud a également été un échec."
En cause, présenté comme un film "allemand", avec un financement conséquent de l'Allemagne et un tournage dans le pays, Stalingrad a plutôt les atours d'une grosse production américaine. Et comme le raconte l'article :
Une rumeur circule selon laquelle les Américains auraient eu le dernier mot sur cette production de 180 millions de marks. Suite aux critiques émises lors d'une projection test aux Etats-Unis, le film aurait été rapidement doté d'un happy end. Le public a accueilli le "duel" par de faibles applaudissements et même quelques huées.
Sans en dévoiler les détails, Stalingrad se termine effectivement sur une fin heureuse. Et qui s'appuie essentiellement sur la résolution de son intrigue romantique. Ce qui, additionné aux clichés sur la représentation des combattants soviétiques et nazis, a donc conduit à des "huées". Si le film avait jusque-là globalement évité le piège du manichéisme, sa conclusion est en effet très "américaine", avec les "gentils" récompensés et tous les "méchants" punis. La grande actrice autrichienne Senta Berger, au milieu d'autres reproches et même "colères" exprimées durant la soirée de gala qui a suivi la projection de Stalingrad, jugeant même le film "un peu problématique..."