Présent au Maroc pour filmer la saison 2 de "Cœurs noirs", Frédéric Jardin est revenu avec nous sur le tournage de "Survivre", survival prenant et porté par Émilie Dequenne.
Survivre : un "petit" film de genre français très efficace
Après avoir réalisé la mini-série d'Arte Alger confidentiel (2021) ou encore des épisodes de Braquo (2014) et d'Engrenages (2014), Frédéric Jardin propose avec Survivre un thriller captivant. Un film né d'une idée intéressante des scénaristes Matthieu Le Naour et Alexandre Coquelle (qui signent leurs scénarios sous le pseudonyme Matt Alexander) : et si une inversion des pôles magnétiques avait soudain lieu, provoquant le déplacement de l'océan sur les zones terrestres ? C'est ce qui se passe alors que Julia et Tom sont en vacances sur leur bateau avec leurs deux enfants. À leur réveil, l'eau a disparu et ils devront survivre à plusieurs dangers.
De ce concept, Frédéric Jardin s'est appliqué à apporter le plus de réalisme possible. Que ce soit en rappelant une inversion des pôles il y a 700 000 ans (mais sur une période plus longue) et en allant filmer Survivre dans le nord du Maroc, là où le phénomène a eu lieu. Ou en confrontant cette famille à des choses concrètes, comme un banc d'arthropodes (de taille réaliste, nous assure le réalisateur). Face à différents dangers, le réalisateur parvient à créer une réelle tension, utilisant judicieusement le hors-champ. Il prouve ainsi que même avec un petit budget, il est possible de faire une proposition intéressante de cinéma, et de capter de belles images (notamment de l'océan) sans avoir recours à des effets numériques.
Bien sûr, tout n'est pas parfait dans Survivre. Mais à cette échelle, il est de ces films (comme Vermines l'année dernière) qu'il faut défendre. Car le genre y est abordé avec sérieux, sans ironie, mais avec la volonté de proposer une vraie aventure de survie.
Un tournage compliqué en mer
Frédéric Jardin a accepté de nous éclairer sur le tournage de ce film de genre efficace, qui n'a pas été évident. D'abord pour des raisons économiques. Réalisé avec un budget de "seulement" 4 millions d'euros, Survivre n'a pas été tourné en studio, mais uniquement en décors naturels. Ce qui permet "d'avoir quelque chose de très authentique", en allant filmer "là où se trouvait la mer il y a des centaines de milliers d'années". Ce qui a posé néanmoins des contraintes.
Un film de genre français, c'est toujours un peu compliqué. Donc il fallait être très précis sur nos lieux de tournage, sur les décors. Quand il n'y a pas énormément d'argent, la première difficulté, c'est la durée du temps de tournage. On a tourné en très peu de temps, seulement trente-deux jours. Ce qui est un petit tour de force en fait.
Un temps de tournage minime donc, et dans des conditions compliquées, principalement lors des scènes sur l'eau.
Tourner sur le bateau, avec la houle, avec des problèmes de méduse, avec le mal de mer des acteurs et des actrices, de l'équipe... Sans oublier la présence d'enfants, d'un chien. Il y a à peu près tout ce qu'il ne faut pas avoir en étant sur l'eau. Tout est toujours plus lent, plus compliqué. Donc avec peu de temps il faut tourner vite et c'est un défi permanent.
Frédéric Jardin et son équipe n'étaient pas dans une zone de confort. Ce qui fait un lien avec le sujet du film, véritable course contre-la-montre pour cette famille qui doit se rendre à un endroit précis avant le retour de l'océan. Cependant, l'autre lien que fera sans doute le public, c'est avec la vie personnelle de l'actrice principale Émilie Dequenne.
Émilie Dequenne était atteinte d'un cancer au moment du tournage
En effet, en avril 2024, la comédienne a annoncé sur son compte Instagram qu'elle était en rémission d'un cancer rare (le corticosurrénalome). Dans Survivre, son personnage doit se battre pour survivre et notamment fuir avec sa famille un banc de crabes (symbole du cancer). Si le long-métrage pourrait alors apparaître comme une métaphore des épreuves vécues par Émilie Dequenne, tout cela n'est qu'un hasard, puisque le film a été tourné l'année dernière. Cependant, à cette période, l'actrice était déjà malade, mais ne le savait pas encore, nous expliquait Frédéric Jardin.
Lorsqu'on a tourné le film, elle était déjà malade, mais on ne le savait pas. Elle a eu des coups de fatigue sur le tournage qu'on ne comprenait pas, parce qu'elle s'était bien préparée. Mais elle a su qu'elle était malade après le tournage, quand on était en post-production. Donc entre le titre du film, sa maladie, la présence des crabes qui les pourchassent... Il y a eu un écho très étonnant entre le film et la réalité. Mais c'est un hasard absolu.
Autre élément qui fait grandement écho avec la situation d'Émilie Dequenne, un texte qu'elle récite en voix-off lors du générique de fin. Sans entrer dans les détails sur ce qu'elle dit, difficile de ne pas s'émouvoir d'entendre l'actrice prononcer certains mots autour de la question de la survie. Mais là encore, même si Frédéric Jardin a écrit ce texte après le tournage, il n'y avait pas d'intention derrière.
Ce n'était pas du tout une allusion à ce qu'elle a traversé dans sa vie personnelle. Lorsqu'elle parle de sa survie, elle parle de son personnage, mais on peut penser à ce qu'elle a traversé dans sa vie personnelle. Seulement, cela fait juste partie des hasards de la vie assez étranges, entre la fiction et la réalité.
Survivre est à découvrir en salles à partir du 19 juin. Andreas Pietschmann, Lise Delamarre et Lucas Ebel complètent le casting aux côtés d'Émilie Dequenne.