CRITIQUE/AVIS FILM - Actrice et productrice du très joli "The Outrun", Saoirse Ronan émeut avec le portrait intime d'une jeune femme en lutte contre le monde.
The Outrun, pour renaître
Avec The Outrun, drame intime résolu dans un retour aux forces profondes de la nature, Saoirse Ronan livre une nouvelle grande performance et s’essaye pour la première fois à la production. Il fallait bien pour cette histoire de lutte contre l’addiction et de renaissance une actrice de sa trempe. En effet, dans sa structure comme dans chair - une jeune écossaise noyée dans ses excès revient sur son île natale pour se reconstruire -, le récit de The Outrun n’a d'abord rien de très original ni de spectaculaire.
Concentrées sur son personnage principal, Rona, la caméra et la narration suivent au plus proche ses mouvements et ses errances psychologiques. Ainsi, le montage n’est pas simplement linéaire, avec des allers-retours entre sa vie londonienne, faite de foules dansantes, d’amour et d’excès, et sa retraite solitaire dans l’archipel des Orcades, presque au bout du monde. Là, elle visite de temps en temps son père, berger bipolaire lui-même porté sur l’alcool. Elle croise aussi, à reculons, sa mère, totalement versée dans la religion pour mettre à distances les troubles de son mari et de sa fille.
Sur cette ligne simple, et malgré la très belle photographie qui rend d'abord hommage à la violence de la nature insulaire, le scénario de The Outrun se fait parfois lassant, programmatique, jusqu’à la brève mais inévitable rechute dans l’alcoolisme de Rona. À partir de ce moment, pic dramatique du récit, un déclic se fait et Rona trouve entrevoit par le mystère de ces îles à la mythologie vivante une issue. Et de peinture d'une violence, les images de la nature des Orcades comme celles de Rona se font autres.
Saoirse Ronan sublime les conventions
Dans une réunion émouvante avec les forces telluriques de la nature, la puissance monstrueuse de la mer, la majesté des roches à pic, les hurlements du vent qui emportent tout, Saoirse Ronan crée un personnage dont on oublie la particularité des problèmes (sa famille, sa solitude, son addiction) pour découvrir son universalité et son humanité. Une jeune femme enfin libérée des autres et d’elle-même, qui renaît au monde pour être au plus proche de lui, à son rythme, et trouve dans ce monde évident la propre évidence de son existence.
Saoirse Ronan, magistrale de bout en bout, dans la crise comme dans l’apaisement, se donne sans compter. Elle pratique un véritable agnelage, se baigne dans une eau glaciale. Tombe, se blesse, se relève, crie, pleure et rit. Sans elle, The Outrun pourrait n’être qu’une autre adaptation recommandable des mémoires d’une jeune femme en lutte - l'écrivaine Amy Liptrop. Avec l'actrice américano-irlandaise, plus que jamais en lice pour enfin décrocher son Oscar de la meilleure actrice, c’est un récit bouleversant qui caresse profondément le coeur.
The Outrun de Nora Fingscheidt, en salles le 2 octobre 2024. Ci-dessus la bande-annonce.