Lundi 4 juillet 2005, petit salon du Ritz. Devant un joli décor sucré et coloré, le grand Tim Burton, chemise et pantalon noirs, grosses lunettes bleutée et cheveux en bataille, est venu présenter son nouveau film, CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE à une petite foule émue de journalistes, fans de la première heure.
Accompagné par le producteur Richard D. Zanuck, et rejoint sur la fin par le petit Freddie Highmore déjà immense acteur, le plus fabuleux des conteurs d'histoires nous a raconté son film, sa vie, son enfance, ses envies, sa planète. Tel l'excentrique Willy Wonka, le cinéaste nous a offert un ticket d'or pour découvrir son univers. Bienvenue dans le monde magique de Tim Burton…
« J'aime le chocolat noir, plutôt amer, et pas trop sucré… Ce qui finalement définit plutôt bien ma personnalité ! » «Ah ! Je croyais que tu aimais le chocolat Mars ! » « Non, j'y suis allé mais je n'aime pas le chocolat ! »
C'est dans une ambiance bon enfant et féérique que Tim Burton est venu présenter son nouveau film en avant-première mondiale. En quelques mots, il dément les rumeurs qui voulaient que Johnny Depp se soit inspiré de Marilyn Manson pour son personnage, regrette presque avoir fait deux films dans l'année puisqu'il se sent « comme un zombie », dément toute responsabilité concernant le dernier opus des aventures de la chauve-souris Batman BEGINS, et confirme en souriant son degré d'intimité avec son acteur fétiche Johnny Depp : « Nous nous sommes mariés en secret ! ».
« Pourquoi ce livre et pas un autre de Roald Dahl ? C'est vrai que ces autres contes sont plus noirs, plus cyniques, mais c'est ce livre-ci qui m'a touché pendant mon enfance. Je ressens encore son impact aujourd'hui ! » Pendant l'écriture du scénario, le réalisateur est allé visiter l'endroit où Roald Dahl écrivait, une vieille bicoque qui ressemblait beaucoup à celle de Charlie. « J'ai vu à sa manière très particulière de travailler que nous pouvions être sur la même longueur d'onde ! » Le cinéaste n'a pas voulu garder le travail de scénariste de l'auteur, et à créer son propre monde à partir de la même histoire. Loufoque, excentrique, farfelu, Willy Wonka, interprété par un Johnny Depp méconnaissable, rappelle parfois d'autres héros croisés dans d'autres contes signés Tim Burton… « Il y a sans aucun doute un petit bout de caractères de mes autres personnages dans Willy Wonka. »
Le tournage avec les enfants a parfois été assez difficile : « On ne peut pas expliquer à un enfant d'être naturel, de ne pas surjouer, il faut trouver les mots, lui dire d'être simple et de ne pas en faire trop. Mais Freddie Highmore a ça en lui, cette simplicité, ce naturel. J'aimerais avoir ces qualités, qu'il a parfaitement conféré à son personnage Charlie. » Tim Burton nous confie, un peu honteux, qu'il n'a pas vu NEVERLAND, où le petit Freddie Highmore donnait déjà la réplique à Johnny Depp, mais a rencontré le jeune comédien pendant le casting. « J'ai tout de suite su que c'était lui. » Un autre acteur très important dans CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, c'est la musique, une nouvelle fois signée par Danny Elfman, son compositeur attitré : « J'ai l'impression que la musique est comme un personnage qui guide le spectateur tout au long du film… C'est un élément très important pour moi.»
Isolé des problèmes de production et de la pression des Studios par Richard D. Zanuck, Tim Burton peut se consacrer entièrement à son film et au tournage. « Nous avons énormément travailler sur la consistance de la cascade en chocolat, je ne voulais pas que ce soit simplement de l'eau brune. Il fallait qu'elle en ait la texture, l'épaisseur. Et je peux vous assurer qu'avec tous ces mélanges, la cascade puait à un point… ! » Le cinéaste en profite pour nous raconter qu'une énorme grue supportant une des caméras est tombée dedans le deuxième jour du tournage : « Ils doivent encore être en train de remuer la mixture pour la chercher ! »
Autre anecdote : l'hommage rendu à 2001, L'ODYSSEE DE L'ESPACE n'était pas planifié !« C'est seulement en construisant le labo que l'on s'est rendu compte à quel point la ressemblance était frappante. On a donc décidé de jouer avec ça ! Une chose est sûre, ce n'est pas un clin d'œil à LA PLANETE DES SINGES! »
« Pendant le tournage, je n'ai jamais essayé ni même réfléchi à cibler mon film, à le destiner plus aux enfants ou aux adultes. Le livre de Roald Dahl lui-même est à plusieurs niveaux, il laisse libre cours à l'imagination, à l'interprétation. Il est donc normal que mon film ait plusieurs lectures… » Dans CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, Tim Burton s'attaque assez durement à la relation père/fils, thème qu'il avait déjà abordé dans BIG FISH. « Je n'ai jamais vraiment eu de problèmes avec mes parents. C'est surtout la société qui écrase la créativité, la personnalité, qui crée cette pression que nous ressentons tous. Je n'ai pas encore bien compris l'éducation que j'ai reçu, j'espère la comprendre avant d'avoir besoin d'éduquer à mon tour… Je vais devoir me dépêcher ! » Son jeune fils fait d'ailleurs une petite apparition dans le film : « Ca sera la seule ! Je ne l'encouragerais jamais à être acteur ! » Jeune papa d'un fiston qu'il a eu avec Helena Bonham Carter, on peut se demander si être père affecte son travail et son âme d'enfant : « Mon travail, non, mais mon sommeil oui ! En fait, je ne peux pas vraiment dire si cela change ma vision des choses, je suis encore sous le choc. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas pour autant me mettre à faire des films avec des Teletubbies !»
Tim Burton, ravi d'avoir pu tourner tout au long de sa carrière avec les acteurs qui le faisaient rêver enfant, nous offre un joli cadeau de Noël en plein été… « C'est la loi des Studios qui veut ça, explique Richard D. Zanuck. Pour eux, ce film rentre parfaitement dans les grilles des sujets de divertissement de l'été… »
Beetlejuice, Edward aux mains d'argent, sleepy hollow, big fish, autant de films, autant d'univers farfelus et magiques où l'on aimerait vivre… ou au moins visiter. « J'aime beaucoup les parcs d'attraction. Mais pas les parcs aussi beaux et rutilants que DisneyLand, non, les plus anciens, les plus dangereux, ceux qui tiennent à moitié debout… Ca serait une bonne idée mais je ne sais pas vraiment combien de personnes aimeraient y venir ! »
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Propos recueillis par Aurélie Maulard et Matthieu Perrin (le 4 juillet 2005)