Pour filmer l'intérieur du cockpit d'un avion de chasse en vol dans "Top Gun : Maverick", le directeur de la photographie Claudio Miranda a dû penser à une installation sur-mesure et faire participer les acteurs à la mise en scène de ces séquences. Un boulot exigeant et de haute précision, mais qui permet d'atteindre un niveau de réalisme époustouflant.
Top Gun : Maverick, le temps qu'il fallait
Dans l'histoire des franchises, Top Gun : Maverick peut revendiquer le titre de la suite attendue le plus longtemps. 36 ans séparent en effet la sortie des deux films, soit un an de plus que l'intervalle qui sépare Blade Runner (1982) de Blade Runner 2049 (2017). Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce temps très long, dont la disponibilité de Tom Cruise, Tony Scott et Jerry Bruckheimer, tous engagés dès la fin des années 80 dans des plannings infernaux. L'envie aussi d'y retourner, qui a fluctué au gré des carrières de chacun. Quelle histoire raconter aussi, et la raconter quand ? Mais surtout, plus le temps passait, plus la technologie à disposition se développait et offrait des perspectives réjouissantes.
Top Gun : Maverick, qui a reçu le feu vert au printemps 2017 à l'initiative de Joseph Kosinski, aurait peut-être pu prendre encore son temps, s'il n'y avait eu la question des droits d'exploitation de l'histoire Top Gun, écrite par le journaliste Ehud Yonai en 1983. La Paramount disposait en effet de 35 ans pour engager la production d'un nouveau film Top Gun. Une période au-delà de laquelle la Paramount aurait dû acheter de nouveau les droits de l'histoire. Cet aspect légal a probablement joué dans la mise en route de la production, signifiant que c'était "le moment ou jamais".
Heureusement, plus de 30 ans après Top Gun et, déjà, à l'époque, son utilisation maximale de la technologie, les possibilités offertes pour filmer la suite sont très satisfaisantes. Le directeur de la photographie Claudio Miranda a ainsi raconté comment il avait pu tourner les séquences aériennes depuis le cockpit des F/A-18 Super Hornet, dans une interview au LA Times.
Des conditions réelles pour une authenticité exemplaire
Claudio Miranda a fait ses armes auprès notamment de David Fincher, pour lequel il officiait en tant que chef électricien. Devenu directeur de la photographie, il oeuvre sur L'Étrange histoire Benjamin Button, puis Tron : l'héritage et L'Odyssée de Pi. Pour ce dernier, il est récompensé de l'Oscar de la meilleure photographie en 2013.
Depuis, il a été de tous les films de Kosinski, et est donc en charge des prises de vue de Top Gun : Maverick. Une tâche démentielle, qui lui a demandé beaucoup, mais qui selon lui participe à la force immersive du blockbuster. Il prend pour exemple un détail, qui pourrait être insignifiant mais en réalité fait toute la différence.
On voit Tom décoller du porte-avions et on le voit faire ce petit coup de tête. Dans la plupart des films, tout ce que les acteurs font c'est se reculer (pour transmettre la sensation de la catapulte, ndlr), et décoller. Mais quand Tom décolle, ce qui est différent c'est qu'il y a cet autre mouvement de tête au moment où le jet quitte le pont d'envol. Quand vous voyez ça, vous vous dites "on est vraiment avec lui, dans le cockpit". Je pense que c'est ce qui fait que ce film est si spécial.
6 caméras installées dans le cockpit de deux jets
Aujourd'hui, la miniaturisation des équipements couplée à leur ultra-performance fait des miracles. Ainsi, pour tourner à l'intérieur des jets en vol, six caméras ont été installées dans le cockpit de deux F/A-18 Super Hornet. Des caméras 6K Sony Venice, équipées de têtes déportées pour pouvoir filmer de face mais aussi au-dessus des épaules. Pour les installer, il fallait cependant respecter des contraintes et que l'US Navy donne son accord.
Ainsi, les caméras ne devaient pas gêner le système d'éjection, devaient être alimentées par leur propre batterie pour ne pas utiliser l'énergie de l'avion, résister aux chocs et aux vibrations, et pouvoir encaisser jusqu'à 7,5G de pression.
Comme il n'y avait pas de retour live ni de commandes de ces caméras au sol, les acteurs se sont entraînés à les faire fonctionner eux-mêmes, durant les vols. Ces vols duraient 90mn, et avaient lieu plusieurs fois par jour. Les acteurs devaient ainsi, seuls, jouer leur rôle, vérifier la lumière et leur maquillage, déclencher les caméras et bien se garder de faire des "regards caméra".
De son côté, ne pouvant agir sur l'équipement une fois l'avion dans les airs, Claudio Miranda devait étudier le plan de vol, les trajectoires et la météo, savoir à quelles différentes altitudes ils voleraient, afin de paramétrer au mieux l'exposition à la lumière des caméras. Un travail réalisé avec brio, qui pourrait bien être récompensé d'une nomination aux prochains Oscars...