En 1990, Paul Verhoeven réalise le monument de SF "Total Recall", avec Arnold Schwarzenegger et Sharon Stone dans deux de leurs meilleurs rôles. Et pour l'actrice, qui connaîtra par la suite un succès international, c'est une scène de ce film qui va la conduire directement à "Basic Instinct", deux ans plus tard.
Total Recall, premier grand film SF de Paul Verhoeven
Après plus de vingt ans de carrière aux Pays-Bas, le réalisateur Paul Verhoeven passe au niveau international en 1984 avec La Chair et le sang, son premier film en langue anglaise. Il a alors 46 ans et déjà sept longs-métrages au compteur, auxquels il faut ajouter la demi-douzaine de courts-métrages de ses débuts. Ce film va lui ouvrir les portes d'Hollywood, et il enchaîne avec l'oeuvre de science-fiction RoboCop en 1987, succès critique et commercial. Sur sa lancée, il réalise en 1990 le formidable Total Recall avec la grande star de l'époque Arnold Schwarzenegger.
Adapté d'une nouvelle de Philip K. Dick, Total Recall raconte avec radicalité et violence un monde futuriste où il est possible de se faire "implanter" des souvenirs plus vrais que nature. Douglas Quaid, homme à la vie tranquille et qui rêve régulièrement de la planète Mars - sans n'y être jamais allé-, tente l'expérience. À partir de là, sa vie va basculer et une réalité comme une identité nouvelles vont se révéler.
Un casting et une scène qui vont tout changer
Dans Total Recall, face à la star Arnold Schwarzenegger, on trouve Sharon Stone. Celle-ci, d'abord mannequin, se lance au cinéma en 1980. Mais ses débuts sont difficiles. Elle rate des rôles décisifs comme ceux de Liaison Fatale, 9 semaines 1/2 et Batman, apparaissant surtout dans des rôles réducteurs et très secondaires de jolie fille maladroite, comme en 1985 dans Allan Quatermain et les Mines du roi Salomon puis sa suite en 1986, et en 1988 dans Nico aux côtés de Steven Seagal... La bascule se fait donc en 1990 avec son casting dans Total Recall, pour le rôle mémorable de Lori Quaid, personnage aussi séduisant que mortel et glaçant.
Lori Quaid, d'abord épouse aimante de Douglas Quaid, se révèle en réalité être une terrible antagoniste et la compagne de Richter (Michael Ironside), bras droit du grand méchant du film Vilos Cohaagen (Ronny Cox). Sharon Stone est parfaite dans ce rôle, jouant la transition du meilleur au pire sentiment avec une facilité déconcertante. Une scène de Total Recall le démontre de manière éclatante, et une scène qui va même la lancer vers un succès planétaire.
Dans cette séquence, Melina et Lori s'affrontent. Alors que Lori a pris le dessus, elle est désarmée par surprise par Douglas, qu'elle n'avait pas vu. Jouant sur la confusion entre la réalité et le rêve, elle tombe son masque de tueuse pour remettre celui de son "épouse". En une poignée de secondes (de 1'18 à 1'26 dans la vidéo), elle se métamorphose ainsi parfaitement d'une identité à l'autre. Cette performance est tout de suite remarquée par son réalisateur Paul Verhoeven. Séduit par le talent de l'actrice, c'est en effet en mémoire de cette séquence qu'il la choisira pour incarner Catherine Tramell dans son sulfureux Basic Instinct.
Paul Verhoeven : "Son visage passe de la haine la plus totale à l’angélisme le plus absolu"
Lors d'une masterclass donnée en 2013 à l'occasion du Festival de Berlin, Paul Verhoeven revenait sur sa carrière et évoquait plusieurs de ses films. Évidemment, il s'est attardé sur Basic Instinct, thriller policier à l'inclination érotique qui avait stupéfié et scandalisé une partie du monde à sa sortie en 1992. Dans ce film, Sharon Stone incarne une romancière bi-sexuelle suspectée de meurtre, engagée dans une relation dangereuse avec l'inspecteur Nick Curran, incarné par Michael Douglas.
Paul Verhoeven raconte ainsi comment la scène de Total Recall l'a convaincu de militer pour son casting dans Basic Instinct.
Dans Total Recall, il y a cette scène où elle est mise en joue par son mari. Elle tabasse sa rivale et au moment où Quaid dégaine, son visage passe de la haine la plus totale à l’angélisme le plus absolu.
Ça, c’est Sharon Stone. Je veux dire, c’est vraiment elle. C’est grâce à cette scène qu’elle m’est apparue plus tard, quand Basic Instinct s’est présenté, comme l’actrice idéale pour interpréter Catherine Tramell, une femme capable de passer en un instant de la violence au charme. Elle était considérée comme une actrice de catégorie C. Mario Kassar, le producteur, et Michael Douglas voulaient une actrice de catégorie A. Ils voulaient Michelle Pfeiffer. Il m’a fallu trois mois pour les convaincre d’accepter Sharon Stone, à mesure que les stars déclinaient le rôle.
Effectivement, c'est toutes les stars féminines d'Hollywood qui refusent une par une Basic Instinct. Tant pis pour elles et tant mieux pour Sharon Stone qui, si elle a souffert des controverses nées de sa performance, a composé une anti-héroïne moderne, féministe, puissante. Et un personnage de fiction parmi les plus fascinants de l'histoire du cinéma.