Parmi les films cultes dans lesquels Jean Gabin a joué, "Touchez pas au grisbi" occupe une place de choix. Un long-métrage qui marque également les débuts de l’une des plus grandes gueules cassées de l’histoire du cinéma français : Lino Ventura. Pour jouer dans ce film, l’acteur n'a d'ailleurs pas hésité à formuler des exigences financières un brin excessives.
Touchez pas au grisbi : la renaissance de Jean Gabin
Souvent connu pour ses rôles de truands au verbe cru, Jean Gabin n’a pas toujours eu cette réputation. En effet, durant la période de l’entre-deux-guerres, il s’illustre surtout dans des films dans lesquels il joue de sa belle gueule et de son charisme naturel.
Cependant, la Seconde Guerre mondiale change tout. Après avoir été mobilisé dans les Forces Françaises combattantes, son retour au cinéma à partir de 1946 sonne creux. Bien que ses performances soient saluées, on ne retrouve plus la "Gabinmania" qui avait déferlé sur la France avant la guerre. Il faut donc attendre 1954 et Touchez pas au grisbi pour que le "pacha" redevienne une vraie star de cinéma.
En effet, pour les besoins de ce film, l’acteur tranche véritablement avec tous les précédents rôles qu’il avait joués jusqu’alors : il devient autoritaire, tranchant dans ses mots et dangereux dans ses actes. Après le film réalisé par Jacques Becker, Jean Gabin deviendra l’image fictionnelle du gangster dans le cinéma français. Touchez pas au grisbi est par ailleurs le premier volet de la trilogie centrée sur Max le Menteur, que l’on retrouvera dans La Cave se rebiffe et Les Tontons Flingueurs. Le film suit donc Max et son acolyte Riton qui ont fait le casse du siècle en volant 50 millions de francs en lingots d’or. Avec cet argent, les deux hommes comptent bien profiter d’une retraite paisible. C’est sans compter sur Angelo, un truand rival qui entend parler du magot (à la suite d'une gaffe de Riton) et qui compte bien le récupérer.
Quand Lino parle, tu écoutes et tu te tais
Avec 4,7 millions d’entrées, Touchez pas au grisbi est un véritable succès. En effet, il permet non seulement à Jacques Becker de devenir le porte-étendard du film noir français (qui jusqu’ici était monopolisé par les films policiers américains) mais il permet également à Jean Gabin de connaître un second souffle dans sa carrière (il recevra d’ailleurs la Coupe Volpi d'interprétation masculine à la Mostra de Venise de 1954). Le film voit aussi la naissance d’un acteur, anciennement connu pour être une star du catch : Lino Ventura. En effet, l’acteur italien émigré en France était plus réputé pour casser des mâchoires que pour tourner devant une caméra.
Pourtant, en 1953, Jacques Becker fait appel à lui pour jouer Angelo dans Touchez pas au grisbi. En effet, le réalisateur voulait une véritable brute physique pour affronter le personnage joué par Gabin. La première réponse de l’intéressé, comme le relate Télé 7 Jours :
Pas question de m’engager dans ce métier de gonzesse.
Jacques Becker ne se démonte pourtant pas et revient à la charge. Sur le ton de la blague et par pure provocation, Lino Ventura demande alors un cachet d’un million d’anciens francs pour jouer dans le film. Une hérésie, quand on sait qu’il joue non seulement un second rôle, mais surtout son premier rôle au cinéma. Pourtant, à sa grande surprise, Jacques Becker accepte l’offre. Le comédien italien touche donc un cachet presque équivalent à celui de Jean Gabin !
Ce dernier ne lui en tiendra toutefois pas rigueur. Au contraire, il le prendra sous son aile et l’aidera à améliorer ses performances d’acteur. Les deux acteurs devenus amis tourneront cinq films ensemble.