"Tron" fait partie de ces nombreux films sortis trop tôt à l'époque, mais qui ont pu acquérir une reconnaissance progressive au fil des années. Comme souvent, tout ne fut pas simple pour ce film considéré aujourd'hui comme un fleuron du cinéma SF, et qui aura permis de populariser bien plus l'acteur Jeff Bridges...
Tron : un échec critique et commercial à sa sortie
Tron de Steven Lisberger sorti en décembre 1982 suit Kevin Flynn, un développeur de jeux vidéo qui travaille pour la société ENCOM. Toutefois, il se voit voler la paternité des jeux qu'il développe par un de ses collègues, Ed Dillinger. Ce dernier, devenu président de la société, parvient même à le virer. Devenu tenancier d'une salle de jeux, Flynn va alors tenter de pénétrer le système informatique d'ENCOM, afin de récupérer les preuves de la spoliation dont il a été victime. Seulement, le système est sous le contrôle d’une intelligence artificielle très développée nommée MCP. Cette dernière découvre que Flynn est à l’intérieur des circuits… et décide de le téléporter au cœur même du système informatique d’ENCOM. Pour s'évader, le développeur devra compter sur l'aide de Tron, un programme indépendant qui l'aidera à combattre les entités à la solde du MCP, ces dernières essayant de l'éliminer à tout prix.
Malgré son pitch très avant-gardiste pour l’époque, Tron va subir une avalanche de retours négatifs de la part de la presse qui le juge trop expérimental et brouillon. De même, le public ne sera pas au rendez-vous dans les grandes salles. Ce n’est que progressivement que le film gagnera ses galons de film culte, grâce notamment à la montée en puissance des jeux vidéo, mais aussi grâce aux cinéphiles qui se sont rués en masse dans les vidéos-clubs. Aujourd’hui, le film est considéré comme visionnaire, possédant une grande longueur d’avance, tant dans son synopsis, que dans ses effets spéciaux.
Une idée venue d’un amoureux du gaming
Né le 24 avril 1951 à New York, le réalisateur Steven Lisberger est, au début des années 80, un illustre inconnu. Avant Tron, il est surtout responsable d’un échec : Animalympics, un téléfilm animé diffusé sur NBC et qui avait pour thème les jeux olympiques de 1980 à Moscou. Seulement, à la suite de l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS, le président Jimmy Carter décide de boycotter les jeux. Les athlètes américains vont donc rester à la maison tandis que l’œuvre connaitra une promotion très discrète qui la fera rapidement disparaitre des petits écrans.
Toutefois, Lisberger est un grand fan de jeux vidéo depuis qu’il a découvert Pong en 1976. Il nomme alors son projet Tron, diminutif du mot « elecTRONic » et prévoit d'y mélanger animation retro-éclairée et assistée par ordinateur, le tout complété par des parties purement « live ». Sûr du potentiel de son bébé, il se met donc à chercher des financements par le biais de plusieurs entreprises informatiques. Malheureusement, elles refusent toutes. Il se met alors à démarcher auprès des studios de cinéma, dont celui de Disney. A la grande surprise du réalisateur, ce dernier accepte.
Il faut savoir qu’à l’époque, Disney n’est pas au mieux de sa forme. Dans cette période connue sous le nom "d’âge de Bronze" (ou des Ténèbres), la société de Mickey voit ses films d’animation connaitre tour à tour des échecs. Le studio se tourne donc dans diverses expérimentations visant à toucher un public moins enfantin. C’est d’ailleurs pour cela qu’en 1979, il produit Le Trou Noir, film de science-fiction qui a pour but de concurrencer des succès de l’époque plus adultes tels que Star Wars et Les Dents de la Mer. Pour Disney, accepter de produire un film tel que Tron parait donc logique, à cette époque. Cette démarche va d'ailleurs pousser le studio à créer en 1984 une certaine filiale nommée Touchstone qui aura pour but de produire des films plus adultes, pendant que le label principal s'occupe de productions axées plus pour la jeunesse. Parmi les succès produits par Touchstone, on peut citer Armageddon, Pretty Woman, Pearl Harbor ou encore Signes.
Des effets numériques remarquables… mais snobés aux Oscars.
Tron est le premier film à présenter des séquences retravaillées ou conçues par ordinateur, ainsi que de l'imagerie informatique de manière intensive. Ainsi, plus de 15 minutes de film concentreront, à elles-seules l'animation générée par ordinateurs. Pour réussir cette prouesse, la charge de travail sera répartie entre quatre entreprises informatiques différentes.
Parmi les responsables de l'équipe des effets spéciaux du film, on compte des designers et artistes devenus aujourd'hui des valeurs sûres dans ce domaine tels que Syd Mead, Jean Giraud (Moebius) et Peter Lloyd, ceux-ci étant supervisés par Harrison Ellenshaw et Richard Taylor. A noter également que le film pouvait compter également sur certains animateurs maison de Disney devenus aujourd’hui ultra connus : Chris Wedge (L'Âge de glace) et Tim Burton, notamment. Il est d’ailleurs à souligner que si John Lasseter n’a jamais travaillé sur ce film, il a toujours signifié à quel point Tron l’avait aidé à percevoir le potentiel des effets spéciaux numériques dans les films d'animation. Ainsi, sans Tron, il n’y aurait peut-être jamais eu de Toy Story !
Pourtant, si le film fut nommé à l'époque pour les Oscar des meilleurs Sons et des meilleurs costumes, il fut honteusement zappé pour celui des Oscars des meilleurs Effets Spéciaux. La raison ? L’Académie estimait que recourir à des ordinateurs revenait à "tricher", au regard des autres techniques (oubliant le travail des hommes sur les machines en question…). Des propos risibles, quand on voit aujourd'hui à quel point la plupart des blockbusters ne peuvent se passer d'effets spéciaux numérique.
Tron est aujourd’hui une franchise reconnue. Plusieurs jeux vidéo ont ainsi vu le jour, sans oublier bien sur sa suite cinématographie sortie 28 ans plus tard en 2010 et nommée : Tron l’Héritage. Par ailleurs, un troisième volet est en préparation, et porté par la star Jared Leto.
Tron est disponible sur Disney+.